Dans les interprétations modernes, les aliments sont interprétés non pas comme des produits comestibles, mais avant tout comme des symboles. Pour reprendre une opposition, il ne s'agit pas d'«aliments terrestres» mais de «nourritures spirituelles». Comme le corps qui a besoin de forces physiques pour se maintenir en état, l'âme humaine a besoin de forces vitales pour fonctionner. C'est ainsi que beaucoup d'auteurs interprètent la table servie, notre meïda, comme la table de la vie et de l'esprit à laquelle aspire le rêveur. Y participer, c'est acquérir épanouissement et bonheur ; en être écarté est signe de frustration. Tel le cas de cet homme qui attendait depuis longtemps une promotion dans son travail et qui découvre que son nom ne figure pas sur la liste des heureux bénéficiaires. La nuit, il rêve qu'il a été invité à une fête. Il s'y rend et découvre qu'une grande table a été mise et qu'elle est chargée de victuailles, qu'il n'a jamais vues de sa vie. Il aperçoit dans la foule des convives des gens qu'il connaît : amis, collègues de travail. Il va vers eux et leur dit : «Vous aussi, on vous a invités ?» Il est heureux de se retrouver parmi eux et de partager un repas extraordinaire. Mais voilà qu'au moment d'avancer pour manger, on demande à chacun de montrer son invitation. Ses amis et ses collègues produisent les leurs et avancent. Son tour arrive et il plonge la main dans son veston pour chercher l'invitation : il a beau fouiller, il ne la trouve pas. Il est aussitôt invité à quitter les lieux, ce qu'il fait, honteux et désespéré. Il n'a pas été admis à la table des honneurs !