Message n «J'ai pu vous regarder faire, constater l'importance de votre travail. Je tiens à vous rendre hommage et ma pensée va aux journalistes victimes de cette violence aveugle et la pulsion dévastatrice.» C'est ce qu'a déclaré d'emblée Mme Michaëlle Jean lors de la table ronde organisée, hier, au siège de la radio algérienne, devant un parterre de journalistes. Dans la salle abritant l'événement, c'était le silence «radio». Durant près de trois heures, l'hôte de l'Algérie a capté le regard et imposé l'écoute de tous. Elle a, loin de tout protocole, raconté sa vie de militante, de journaliste et de combattante pour les droits des femmes. Son esprit militant et son engagement, elle les a appris de ses parents réfugiés haïtiens. Son esprit critique, Mme Michaëlle l'a hérité de son père, ancien professeur de philosophie. Son engagement est inspiré, en revanche, de celui de sa maman qui a consacré sa vie à l'alphabétisation. Le discours de la gouverneur générale était loin de la langue de bois et de la démagogie. «Un journaliste a une responsabilité citoyenne avant tout autre chose. C'est cette responsabilité qui doit guider son action et non le carriérisme», a affirmé Mme Michaëlle. Pour elle, le journaliste doit permettre au citoyen d'avoir un éclairage, de la compréhension des enjeux et lui offrir les moyens d'articuler son point de vue et mettre à sa disposition des outils pour le plein exercice de ses facultés de penser librement et d'avoir l'esprit critique. Le journaliste doit aussi avoir un regard pointu, très engagé sur l'ensemble des réalités de la société. Il doit établir un espace pour que la parole puisse vivre et exister. Le journalisme tout comme la politique, Mme Michaëlle ne les a pas choisis. «En 1986, je suis allée à Haïti, mon pays d'origine. J'y ai vu une population debout. J'ai ressenti un engouement chez les gens, dans un pays pourtant accablé par la répression d'un régime dictatorial», a révélé Mme le Gouverneur. «J'avais pris tellement de notes, lors de mon séjour haïtien qu'à mon retour, des amis m'ont proposé de travailler à la radio. Je leur ai expliqué que je n'étais pas journaliste», a raconté Mme Michaëlle qui a ensuite consacré 18 ans de sa vie au service de la télé et de la radio. A Haïti, lors de son voyage en 1987, à l'occasion des premières élections que certains ont voulu avorter, Mme Michaëlle a expliqué comment des journalistes de ce pays ont non seulement exercé leur métier d'informer, mais ont également participé à l'instruction des citoyens du processus électoral et de l'importance de l'acte de vote. Mme Michaëlle, d'origine d'esclaves d'Afrique, a expliqué que ce n'était pas évident d'occuper le poste de chef d'antenne de la radio quand on est une femme noire, «pourtant aujourd'hui, je suis gouverneur général du Canada», a déclaré Mme Michaëlle. Toujours sur le rôle du journaliste, l'invitée de l'Algérie a insisté sur les enquêtes qu'il faut mener et le journalisme de proximité. «Il ne faut jamais douter de l'intelligence vive de ceux qui vous écoutent, vous regardent ou vous lisent», a martelé Mme le gouverneur du Canada.