La table ronde qui s'est tenue mardi dernier au siège du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle a permis d'exposer les différents axes d'approche sur le phénomène de “violence morale”. “La violence psychique en milieu du travail”, plus communément appelée “harcèlement moral”. Tel est le thème d'un projet de recherche inscrit au niveau du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Grasc) d'Oran, qui vient ainsi combler l'inexistence dans notre pays de littérature et de travaux sur cette question devenue, pourtant, primordiale. En effet, pour le Dr Hachelafi de l'EHU d'Oran et médecin du travail, l'inscription de ce projet de recherche “Approches méthodologiques de prise en charge de la violence psychique en milieu du travail” est le premier du genre, alors que le phénomène de la violence psychique est aujourd'hui récurrent dans le monde du travail. “ce n'est qu'un cercle plus grand de la violence dans notre société”, dit en introduction ce dernier qui pilote le groupe de recherche. La table ronde qui s'est tenue mardi dernier au siège du Grasc a permis d'exposer les différents axes d'approche sur le phénomène de “violence morale”, en forte progression dans le monde du travail en Algérie, du fait de la mondialisation, de la division du travail et des nouveaux rapports sociaux accentués par les inégalités, comme expliqué sur le plan idéologique par Mme Diabi, enseignante à l'Usto. Faisant référence aux auteurs européens comme Marie-France Hirigoyen ou Heinz Leymann, un Suédois considéré comme le précurseur pour avoir défini et diagnostiqué dans un ouvrage le harcèlement moral ou “mobbyng”, les intervenants ont d'emblée souligné que l'intérêt de ces travaux était d'amener les pouvoirs publics à inscrire dans le futur le code du travail des articles définissant le harcèlement moral, d'aller vers une protection pour les victimes et le recours à la justice. Les différentes communications présentées aborderont les mécanismes et stratégies de la violence psychique en milieu du travail, évoquant la victime, les impacts sur sa santé et les conséquences sur “le rendement qui amène une crise au travail…” La fuite des cadres algériens à l'étranger est le fruit souvent de ces stratégies de harcèlement moral dans le travail, comme souligné dans ce contexte. En Algérie, tout comme en Occident, en milieu du travail, c'est la femme qui est le plus souvent victime de harcèlement moral qui est décrit comme “un enjeu de pouvoir et de domination dans les rapports au travail”, un harcèlement pratiqué en majorité par “le supérieur hiérachique”. Et d'évoquer lors de cette table ronde les mécanismes sournois du harcèlement moral, c'est-à-dire le “mobbyng” avec comme objectif de “porter atteinte à la dignité et l'intégrité psychique de la personne…” qui se traduit par des comportements agressifs (gestes, paroles, regards, etc. ), ne pas saluer la personne, la critiquer systématiquement, la dénigrer, dévaloriser son travail, etc. Ce sont là autant de procédés qui sont utilisés dans le monde du travail pour pousser la victime au départ et à l'abandon, relèvent les chercheurs du Grasc D'ailleurs, le Dr Hachelafi a livré quelques données indicatives de cette situation à travers une enquête de terrain réalisée dans le secteur de la santé à Oran. Sur un échantillon de 1 058 sujets, la prévalence des personnes victimes de harcèlement moral est de 16,7%, 58% sont des femmes mariées et 10% des veuves ou divorcées. Cela peut aller des menaces verbales dans 42,3%, l'obliger à faire des travaux dangereux pour sa santé (38%), des attaques verbales sur les convictions politiques, religieuses… Les conséquences pour les victimes de ces violences psychiques : 79,6% ont des problèmes de santé, plus de 20% deviennent dépendants aux médicaments et, d'une façon plus générale, développent des troubles psychologiques, des traumatismes similaires à ceux rencontrés lors de catastrophes naturelles. Le stress et les suicides sont le corollaire de ce fléau dans le monde du travail. D'où, pour les intervenants, l'urgence de rendre le débat public sur ces questions de harcèlement moral, de mettre en place des supports réglementaires et de créer sur le lieu de travail des groupes de travail composés de psychologues, de médecins et de sociologues comme moyens de prise en charge et de thérapie.