On a rencontré une confrère qui est venue nous parler avec sa sensibilité de journaliste. Madame Michaëlle Jean, gouverneure générale et commandant en chef du Canada, est allée, hier à la rencontre de la presse algérienne. Elle a parlé avec son coeur de son expérience de journaliste à Radio-Canada. Elle a souligné, à l'occasion, le prix qu'ont payé les journalistes pour survivre au désordre et continuer d'exercer leur citoyenneté. «Ce moment est très important pour moi; ce contact du regard avec vous qui avez traversé des années difficiles avec votre engagement profond...Je suis venue à la fois pour vous rendre hommage et vous écouter», dit-elle en guise de préambule avec une voix tremblante d'émotion. Elle a parlé de sa propre expérience de journaliste depuis voilà 20 ans, depuis qu'elle est allée jeter un regard sur son pays d'origine Haïti, après la chute de la dictature en 1986. Elle est revenue au Canada, son pays d'adoption avec des témoignages qui ont fait l'objet de documentaires quelque temps plus tard. Lorsqu'elle évoque le rôle des journalistes au moment des faits, elle dit aux présents: «Je comprends votre blessure». Elle revoit encore les images atroces subies par son peuple. Depuis, elle a embrassé une carrière de journaliste. Elle a fait preuve d'engagement et de rigueur jusqu'à devenir une animatrice vedette d'une émission très suivie au Canada. Le voyage qu'elle effectue, à présent, en Afrique, ressemble à un pélerinage. Elle le vit comme un retour aux sources. «Moi fille d'esclaves, je me retourne dans mon Afrique». Elle le prononce avec une vive émotion. «C'est un peu une revanche; lorsqu'on a la charge qui est la mienne aujourd'hui, on se dit que quelque part on a réussi dans son combat». Elle a foulé le sol algérois et rencontré beaucoup de gens. «J'ai vu la fierté dans leurs yeux. Oui, vous êtes un peuple fier. Après 130 années d'oppression vous avez réussi à préserver ça». Son témoignage résonne comme un hymne qui n'est pas fait pour nous déplaire. Mais elle le dit simplement, avec des mots crûs parce qu'elle comprend mieux que quiconque ce que nous avions subi au fil des siècles. Elle enchaîne: «Après 300 ans d'esclavage et d'infamie, on prend sa revanche sur l'histoire». Son exposé prend, dès lors, une forme de thérapie de groupe. La salle est sous l'emprise de l'émotion. Voilà une sacrée femme africaine qui a réussi en Occident jusqu'à exercer la plus haute fonction dans un pays où la compétence prime sur toute chose, qui vient nous tenir un langage du coeur, murmure-t-on. Elle n'a pas omis de parler de l'avenir. Ecoutons: «Je suis agacée d'entendre: la jeunesse...la jeunesse...leur avenir se fait maintenant. Il faut les prendre en charge, répondre à leur demande maintenant». Y a-t-il discours plus sincère dans la manière d'aborder les préoccupations de la société? La gouverneure du Canada a le mérite d'être claire dans ses pensées. C'est peut-être son passé de journaliste qui lui donne cette clairvoyance. Elle s'est longuement exprimée sur les médias et leur rôle, de son expérience personnelle ainsi que des lois canadiennes qui régissent le secteur de l'information. On a rencontré une consoeur -comme l'a si bien présentée HHC- qui est venue nous parler avec sa sensibilité.