Evocation n A l'occasion du 28e anniversaire de la disparition du maître du chaâbi, le 23 novembre 1978, l'établissement Arts et Culture a organisé un séminaire sur la musique chaâbie. «Le 28e anniversaire de la disparition du maître est une nouvelle occasion pour rendre hommage à notre patrimoine matériel qu'est la ville et immatériel, à savoir le chaâbi», a déclaré Redouane Mohamedi, directeur de l'établissement Arts et Culture, ajoutant que «le chaâbi est une mémoire du temps et de l'espace». Autrement dit, «la ville, dans ses dimensions et profondeurs historiques et socioculturelles, a été transmuée en un espace symbolique dans lequel se déploie la chanson chaâbie». Et de poursuivre : «L'interdépendance des deux espaces, l'un symbolique (le chaâbi) et le second physique (la ville), a constitué, au fil du temps, un couple indissociable et un espace de construction des textes de l'essentiel des q'çidate du chaâbi.» «En inspirant le chaâbi, la ville aura du même coup assuré son propre enracinement dans la mémoire collective. Ainsi, la ville créa le chaâbi», a-t-il conclu. De son côté, Abdelkader Bendaâmeche, chercheur et commissaire du festival du chaâbi, a évoqué, dans sa communication, le parcours de ce genre musical. «Le chaâbi est né (en tant que vocable) en 1946», a-t-il dit, soulignant que «c'est El-Boudaïli Safir qui a inventé ce mot pour désigner la musique et chanson populaire qu'est le m'dih». Plus tard, selon l'intervenant, El-Anka en fait une musique citadine, typiquement algéroise, et lui confère sa personnalité. Parler du chaâbi, c'est évoquer les maîtres de ce genre musical et aussi parler d'une culture qui se révèle dans l'imaginaire collectif authentiquement et exclusivement masculine. Or le chaâbi a une empreinte féminine. Il est à double voix. Selon Abdelhakim Meziani, «le vieil Alger peut s'enorgueillir aussi de ses groupes de femmes chanteuses qu'on appelait m'semaâte, s'byate ou meddahate, et qui ne se produisaient qu'à l'occasion de fêtes familiales, telles que Khaïra Djabouni ou Khaïra Tchoutchana qui étaient, avec leur ensemble, les chanteuses les plus appréciées dans leur répertoire aâroubi, hawzi et zendani.» Quant à Abdelhamid Tobal, poète et chercheur dans le melhoun, il a qualifié le chaâbi de melhoun. «Le melhoun est une poésie qui revêt une dimension littéraire même si elle est dite en langue dialectale, dans un langage populaire», a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Le chaâbi ou le melhoun est un mélange d'arabe littéraire et d'arabe parlé.» L'orateur a également expliqué que les règles de la langue arabe ne peuvent s'appliquer au chaâbi et l'organiser, car c'est une poésie qui possède sa propre grammaire. «Ce serait une erreur que d'interpréter le chaâbi en arabe littéraire parce qu'il perdrait sa rythmique et sa mesure, donc sa mélodie», a-t-il souligné. l La ville d'Alger a rendu, jeudi, un hommage à El Hadj M'hamed El Anka, maître incontesté de la chanson chaâbi. A cette occasion, Nassima, interprète de la musique arabo-andalouse, a animé à l'auditorium du complexe culturel Laâdi Flici (en contrebas de l'hôtel El-Aurassi), un récital musical. Ce concert a été initié par l'établissement Arts et Culture. Quant à la télévision, elle a rassemblé lors d'une soirée qui a eu lieu à la salle El Mougar des anciens élèves d'El Hadj El Anka, en l'occurrence Abdelkader Chercham, H'cicène Saadi, Omar Boudjemia, Kamel Ferdjallah, Mehdi Tamache et le fils du maître du mandole, El Hadi El Anka El Anka est plus qu'un nom ; c'est un mythe, une légende, une mémoire engendrée, selon Sadak Aïssat, un écrivain, par la passion et par tant de paroles. Et de dire : «El Anka n'est pas une histoire, il est un destin.» Son nom a changé effectivement le destin d'Alger, il lui a donné un sens nouveau, une réalité nouvelle ; devenant ainsi une référence musicale imparable, Alger ne cesse depuis de nourrir l'imaginaire collectif, de tisser autour du chaâbi mythes et pratiques culturelles. Par la force de l'amour et la brûlure de la passion, El Anka, dans son immensité cyclopéenne, réinventa la musique ; et par le souffle du désir, il conféra au chaâbi la grandeur d'un art, l'art de dire la poésie dans sa beauté légendaire, dans sa popularité millénaire. A lui seul, El Anka, un poète, est une histoire, une part de l'histoire d'El Djazaïr. El Anka certes n'est plus physiquement parmi nous, mais il est là dans cette histoire que notre mémoire ne cesse d'entretenir. La mémoire le fait encore vivre – même si c'est avec nostalgie – et d'en faire un immortel. El Anka ne ferme pas les yeux. Il résiste au sommeil éternel. Le chaâbi qui se transmet de génération en génération le garde éveillé. C'est ça El-Anka. Un maître. Un témoin.