Résumé de la 1re partie n Sutterlin, un jeune photographe allemand désabusé, fraîchement démobilisé, est enrôlé par le KGB. A la fin des années cinquante, c'est un espion confirmé. Prokhorov, le second secrétaire de l'ambassade de Russie lui a dit : «Mon ami, si vous voulez servir notre cause... et améliorer votre train de vie, il vous faut voler plus haut.» La cause communiste d'abord, l'argent ensuite, c'est dans la dialectique convenue. Sutterlin ne demande pas mieux, mais comment faire pour voler plus haut sans moyens ? «Votre arme principale c'est la séduction... Vous êtes beau, mon vieux... Vous devriez vous essayer auprès des femmes. — Quelles femmes ? — J'ai trois objectifs en vue pour vous.» Le deuxième secrétaire sort d'une enveloppe verdâtre (on manque de papier en Allemagne de l'Est, en Russie aussi, et les enveloppes sont chères...) trois photographies de femmes. Sutterlin les examine, en professionnel. De l'espionnage, car les photos ne sont pas formidables. Personne n'a posé et pour cause : ce sont des documents pris dans la rue, par un espion, et au téléobjectif. «Laquelle préférez-vous, Sutterlin ?» L'espion séducteur fait la moue sur la première... insignifiante ; la deuxième a l'air d'un dragon... et la troisième n'est vraiment pas jolie. Prokhorov ramasse alors les deux premières photos, les remet dans son enveloppe verdâtre, et laisse la troisième sous le nez de son agent : «C'est pourtant celle-là que je vous ai choisie... — La raison ? — C'est la plus inabordable, la plus incorruptible. Rien qui nous permette de penser qu'elle puisse devenir espionne. Rien dans son passé. Une bonne chose, cela écartera les soupçons du contre-espionnage. — Elle fait quoi dans la vie, cette “beauté” ?» Sutterlin est décidément arrogant. Mais Prokhorov fait partie des individus mâles qui croient à l'efficacité de l'arrogance avec les femmes, surtout avec les laides. Déstabiliser les individus semble être son credo. «Cette demoiselle travaille au cabinet du sous-secrétaire du personnel et de l'administration... au ministère des Affaires étrangères. A ce titre, elle a donc accès à un certain nombre de documents classés “confidentiel”, “secret” et “très secret”. Nous savons que son chef de service se repose entièrement sur elle. Il a en elle une confiance absolue et méritée d'ailleurs. De plus, elle a également accès au bureau du ministre de la Défense, Franz Joseph Strauss...» Sutterlin examine encore la photo de la femme décrite par Prokhorov. Terne, vraiment. Sans aucun charme. «Que savez-vous d'elle sur le plan personnel ? — Sérieuse, ponctuelle, compétente. Elle vous paraîtra d'abord froide et distante. Nous pensons que ce comportement est dû à ses nombreux échecs sentimentaux. Il y a quelques années elle a connu un jeune homme, il s'est tué dans un accident. Et il y a trois ans, elle était la maîtresse d'un homme d'âge mûr, d'apparence respectable. Cet homme respectable lui a avoué tardivement qu'il était marié. Rupture donc, et depuis elle vit en célibataire. Nous avons l'impression que la solitude ne la satisfait pas totalement et l'effraie même un peu.» (à suivre...)