Résumé de la 5e partie n Pendant six ans, Sutterlin obtient de Eléonor 2 900 documents secrets dont il transmet les copies aux Russes. C'est alors, paradoxalement, que le KGB prend peur. En effet, les documents sont si importants et si nombreux... que le grand corps d'espionnage soviétique se demande si, par hasard, ils ne seraient pas faux ! Si les grands «psy» et les grands manipulateurs ne seraient pas victimes d'une manœuvre d'intoxication ! La mariée est trop belle, en quelque sorte, et la maladie des espions, c'est l'espionnite. J'espionne qui m'espionne et on m'espionne en train d'espionner... Ordre est donné au colonel Runge de cesser tout contact avec le couple Sutterlin. Runge est furieux, son affaire marche si bien, et il proteste, sûr de la loyauté du couple. En vain. On ne proteste pas au KGB. Sutterlin, lui, ne voit qu'une chose : sa source de revenus est tarie. L'argent est son mobile, l'argent est sa passion. Il se présente donc à Prokhorov, sans préalable ni contact ni intermédiaire, lequel le reçoit froidement. «Vous commettez une erreur grave, Sutterlin. En venant me voir à mon bureau, ici, sans demande préalable, et sans précautions élémentaires... Ne serait-ce que pour cela, le KGB ne reviendra pas sur sa décision. Les ponts sont rompus ; nous n'avons plus besoin de vos services, vous ne figurez plus sur la liste de nos agents... Si vous tentez le moindre contact à l'avenir, votre dossier sera communiqué au contre-espionnage de l'Allemagne de l'Ouest. C'est clair ?» Tout est toujours clair au KGB, dans ce genre d'affaire. Sombre et clair. Dans ce métier on ne fait pas de cadeaux. Jamais. Un ordre est un ordre, une fin de non-recevoir en est une, et une menace en vaut dix. Le colonel Runge lui-même en fait les frais d'une manière inattendue... En octobre 1967, le 10 exactement, le colonel et sa jolie femme Valentina, qui travaille avec lui, avertissent leur supérieur hiérarchique de ce qu'ils considèrent comme une bonne nouvelle : «Valentina est enceinte, nous allons avoir un deuxième enfant.» Le supérieur hiérarchique répond aussitôt : «Pas question ! Impossible. Que Valentina se fasse avorter !» Il est des interdits qui dépassent les bornes. Valentina veut cet enfant. Un enfant n'a rien à voir avec le KGB. Son ventre lui appartient... Mais le «niet» est sans équivoque. Le colonel pousse son épouse à obéir. Quelques jours plus tard donc, Runge vient déclarer à son supérieur que l'opération a eu lieu. Valentina a les traits tirés, elle a subi un choc. En compensation de cette obéissance absolue, Runge demande à être envoyé aux Etats-Unis. Une petite faveur pour un gros sacrifice... Réponse du supérieur hiérarchique : «D'accord, Runge, à une seule condition, élémentaire bien entendu : que vous laissiez en Russie votre fils…» Sourire chafouin de l'officier. «Il est jeune, il a besoin d'une éducation soviétique... Les Etats-Unis pour un enfant... Vous êtes d'accord, j'en suis certain...» En réalité et comme toujours, un élément de la famille sert d'otage, de garantie de retour... On ne le dit pas, on argumente logiquement. Cette fois, Runge se révolte. Ce sont des choses qui arrivent, en dépit des grands discours des psychologues du KGB : à force de tirer sur la corde, elle se rompt. (à suivre...)