Résumé de la 4e partie n Sutterlin arrive à ses fins : il séduit Eléonor Heinz, puis l'épouse. Il reçoit de nouvelles instructions, transmises par le colonel Runge, son nouveau «contact». Sutterlin dit au colonel : «Simple... non. Je dirais même que ce n'est pas si facile. D'accord nous sommes mariés, d'accord elle est très amoureuse de moi, mais elle n'est pas communiste du tout. Elle en est loin. Comment m'y prendre ? — Nous y avons pensé pour vous. Il faut caresser cette femme dans le sens du poil. Puisqu'elle est plutôt dans le camp des nationalistes, et anticommuniste... c'est par là que vous devez la prendre, si j'ose dire... Voyons, vous faites partie vous-même de la Kuratorium Untelbares Deutschland... Vous devez donc vous faire passer pour un fervent partisan de la réunification allemande. Cette association, qui réclame la réunification, ne doit pas avoir de membre plus passionné que vous ! Vous en faites état, vous le glissez dans les conversations, et vous glissez également que pour que cet idéal ait des chances de se réaliser il faut absolument que la Kuratorium soit mise au courant des décisions politiques prises à l'Ouest. Autrement dit, le devoir de votre femme, et elle est une femme de devoir... son devoir de patriote est d'aider les anticommunistes en les informant ! C'est clair ? — C'est clair...» Il faut admettre dans cette histoire que les «psy» du KGB connaissent affreusement bien leur métier... Car Sutterlin réussit parfaitement. Durant six années, amoureuse, confiante, engagée, Eléonor écume le ministère des Affaires étrangères. Sa position exceptionnelle lui permet parfois de subtiliser des rapports d'ambassades allemandes, avant que le ministre lui-même n'en ait pris connaissance. Et cette femme est heureuse en ménage. Heureuse en amour ! Les soirées avec Sutterlin, les petits dîners, l'amour avec Sutterlin, tout est parfait. Jamais elle n'aurait espéré refaire sa vie de cette manière. Eléonor est une femme comblée, et le KGB aussi. Voyons quelques exemples de renseignements qu'il reçoit par l'intermédiaire de l'époux parfait d'Eléonor Heinz. «Clef du système d'alarme de l'OTAN», «Rapport sur les missions d'espionnage de l'Allemagne de l'Ouest à l'étranger», «Rapport sur les manœuvres de l'Otan de 1964 à 1966», «Plan d'exception du gouvernement de...», «Rapport sur les procédés de chiffre et les codes du ministère des Affaires étrangères», «Compte rendu du ministre des Affaires étrangères sur la réunion du Conseil des ministres de l'Otan à Ottawa en 1963», «Plan de l'Otan en cas d'alarme à Berlin...» Le procédé est effectivement simple, ainsi que l'avait affirmé le colonel Runge. Eléonor se sert parfois d'une serviette de cuir à double fond, parfois d'un journal, abandonné sur la table de la cantine où son mari vient la rejoindre pour déjeuner. Sutterlin photographie alors les documents qu'elle vient de subtiliser, et Eléonor les remet en place dès le début de l'après-midi. Absence courte, risques nuls. Deux mille neuf cents documents sont ainsi passés à l'Est, parmi lesquels mille classés «secrets» et cinquante classés «très secrets». Eléonor n'a pas une seconde le sentiment de trahir... Elle croit participer à la lutte anticommuniste, alors que son époux bien-aimé reçoit, en échange, beaucoup d'argent du KGB. Car il a atteint un excellent niveau. Il est enfin riche, sa compétence reconnue, belle revanche pour le petit photographe qui errait dans les ruines de Berlin, après la guerre, en maudissant cette société qui ne lui offrait aucun avenir... (à suivre...)