Résumé de la 3e partie n Sutterlin a mis au point une stratégie pour approcher Eléonor Heinz. Il sonne à sa porte avec un bouquet de fleurs. Sutterlin s'explique : «C'est un quiproquo regrettable... Voyez-vous, j'ai rencontré hier une jeune femme qui m'a dit s'appeler comme vous... Je devais lui rendre visite aujourd'hui... et... Oh je suis désolé, vraiment.» Eléonor Heinz a un sourire indulgent, amusé aussi. L'homme est charmant et il a l'air tellement penaud... «Je suis navrée pour vous, monsieur. Ici il n'y a que moi. J'ai peur que vous n'ayez été victime d'une mauvaise plaisanterie...» Le bouquet de roses rouges pique du nez vers le sol et Sutterlin a la mine d'un amoureux de Peynet éconduit. «Je vois... excusez-moi alors... vous voyez, il y a peu de temps que je suis à Bonn... Je ne suis pas très au courant des usages... J'imagine que cette jeune femme a trouvé un excellent moyen de se débarrasser de moi...» Sur cette constatation humiliante, Sutterlin salue tristement en marmonnant : «Décidément... les femmes et moi...» Il fait quelques pas sur le palier puis se retourne, brusquement, style «grand timide qui se jette à l'eau». «Si j'osais, mademoiselle...» Il tend le bouquet de roses rouges : «Faites-moi le plaisir d'accepter ces fleurs, au moins elles ne seront pas perdues...» Bien joué, Sutterlin. Le coup du type sympathique et correct, qui connaît des avatars sentimentaux... Eléonor accepte les fleurs en souriant. Elle se voit instantanément invitée à dîner. Comment dire non à ce malheureux, perdu dans la ville, et qu'une femme vient de tourner en ridicule ? Au service Z. B9 du ministère des Affaires étrangères, les collègues d'Eléonor observent un changement dans son attitude. Enjouée, chaleureuse tout à coup, c'est une autre femme que la secrétaire taciturne et froide qu'ils ont l'habitude de côtoyer. Eléonor se fait éclaircir les cheveux, change de robes, opte pour des couleurs gaies... et au bout de quelques jours encore, son bonheur devenant par trop évident, elle rend compte au service de sécurité, ainsi qu'elle le doit, de sa nouvelle fréquentation. Le service enquête, ne découvre rien d'anormal dans le curriculum vitae du prétendant, et le 12 décembre 1960, un an plus tard donc, l'espion Sutterlin, nom de code Walter, câble à Leonid Prokhorov : «Adressez félicitations à votre protégé pour son mariage à Cologne.» Manière d'annoncer la réussite de sa mission et de demander de nouvelles instructions. Instructions qui lui seront désormais données par un certain colonel Runge. Etabli en Allemagne de l'Ouest depuis 1955, sur ordre du KGB, Runge est d'une efficacité remarquable ; il est rapidement monté en grade et manipule plusieurs réseaux. C'est le genre sympathique, un physique qui fait irrésistiblement penser à un acteur américain, grand spécialiste des comédies hollywoodiennes, Fred Mac Murray. Bonne humeur et sourire toujours agréable, humour léger, élégance classique, en costume bleu croisé et cravate de soie grenat. Il rencontre Sutterlin rapidement. «Sutterlin, les ordres sont simples... extrêmement simples... Comme vous le savez votre épouse occupe discrètement un poste-clé. Vous devez tirer d'elle tout ce que vous pourrez. Le maximum. Tous les documents qui lui passent par les mains doivent être photographiés par vous. Elle les emprunte pour un instant et les remet en place ensuite... Vous voyez c'est simple.» (à suivre...)