Résumé de la 16e partie n Le rite le plus simple de l'asensi, ou dialogue avec les morts, consiste à passer la nuit sur une tombe et à poser des questions au défunt, qui répond dans le rêve. Le rite complexe exige une préparation et surtout des ingrédients. Dès que se manifeste le désir de faire un asensi (ou tebyita), on contacte une timsensit, généralement une médium connue pour ses facultés paranormales, dont la principale est de communiquer avec les morts. Dans la terminologie populaire, on parle aussi de derwichat, c'est-à-dire de femme possédée par un esprit qui accède à tous leurs désirs. «On veut faire un asensi, disent les parentes du défunt. Acceptes-tu de le faire pour nous ?» La timsensit se montre presque toujours réticente, prétextant qu'elle est vieille ou malade, et que ce qu'on lui demande lui coûte des efforts. Mais devant le désarroi de la famille à laquelle se pose un problème épineux, elle finit par céder. «D'accord, mais ce sera la dernière fois que je le ferai !» En général, ce sont les femmes qui demandent les asensi, mais des hommes peuvent aussi le faire ; mais eux aussi s'adressent exclusivement aux femmes. Notons cependant que dans quelques rares cas, des hommes, des derwiches ou inspirés, servent d'intermédiaires. Ainsi, dans La Terre et le Sang de Mouloud Feraoun, deux personnages, Slimane et Ramdane, se rendent chez un derwiche célèbre, Si Mahfoud, pour lui demander d'obtenir, par sa bouche, l'avis de leur parent mort sur un grave problème de famille. Il est vrai qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, du rite de l'asensi, mais d'une simple consultation auprès d'un personnage «inspiré». La timsensist est généralement un médium (derwicha), dotée de facultés extrasensorielles plus ou moins importantes, comme prédire l'avenir, avoir des pressentiments qui se réalisent, etc. Sans se faire remarquer par ce genre de dons, elles peuvent avoir été, au cours de leur vie «possédées» ; même guéries, elles gardent un certain contact avec le surnaturel et peuvent donc servir d'intermédiaires. D'autres ont fait l'expérience de la mort en tombant dans un coma qui a été assimilé à un décès, ou en étant frappé d'autisme et en s'isolant, pendant une certaine période, des vivants. Bref, toutes ces femmes ont eu un passé qui les prédisposent à «dialoguer avec les morts». Quand la timsensit connaît la famille du défunt ou le connaît lui-même, il lui est aisé d'évoquer des traits de son caractère ou des problèmes de sa famille. Dans les autres cas, elle va essayer, au moment de la séance, d'obtenir, avant de commencer le rite, des renseignements : «De quoi est mort le défunt ? Etait-il marié ? Laisse-t-il des enfants ? Quelle était sa profession ?» Il devient alors aisé à la timsensit de construire un discours cohérent et surtout conforme à la réalité. «Votre mère vous reproche de l'avoir laissé mourir à l'hôpital, alors qu'elle voulait mourir à la maison, parmi les siens...», ou alors «votre père, en mourant, vous a confié sa seconde épouse. Pourquoi ne vous occupez-vous pas d'elle ? Pourquoi parlez-vous de la renvoyer ?», etc. (à suivre...)