Scène n Funambule est la pièce théâtrale présentée, hier, mardi, au Centre culturel français d'Alger. La scène n'a pour décors que trois chaises et une caisse, et la pièce se déroule dans le lieu même où la pièce s'élabore, où le texte se dit et où les protagonistes se constituent et revêtent leur personnalité, c'est-à-dire que la pièce se déroule dans une salle de répétition. Deux personnages, un homme et une femme, occupent l'espace dans lequel ils évoluent, chacun à sa manière, selon sa présence dans cette ambiance, cet environnement et cet instant scénique. C'est l'histoire d'un homme, un artiste, un poète s'adressant à une autre artiste, une funambule, lui disant des mots. Il lui parle et elle, elle l'écoute, attentive, pensive, et par intermittence, elle joue du violoncelle, laissant échapper des sons, des notes mêlant avec beaucoup d'émotion mélancolie d'artiste et jouissance poétique. Ainsi, musique et mots se rencontrent, se rassemblent ici pour faire entendre une réalité universelle : «Cette région désespérée et éclatante où opère l'artiste». Le funambule est un acrobate, et, ici, l'acrobate est celle qui sait danser du haut de la scène sur le fil, et qui sait, également, faire jouer ses doigts sur les cordes. En fait, le funambule, c'est bien l'artiste, cet artiste dans son universalité qui, un poète à sa manière, manie habilement son art, un talent par lequel il draine l'engouement, suscite les acclamations et s'attribue les mérites du public, un public sans cesse le réclamant, et sans lequel l'artiste n'est qu'anonyme, une ombre évanescente, une existence minime. L'artiste, à travers le personnage du funambule, est dit – un personnage à la fois solitaire et public, qui tantôt rit et tantôt pleure, qui apparaît pour recueillir et savourer les ovations du public, et se cache pour mourir – et autour duquel ses exigences et ses impératifs, ses doutes et ses désarrois sont à découvrir dans ce texte de Jean Genet. Interprétée par Jean-Paul Schintu et Marie-Blanche Solano, la pièce décline la réalité de l'artiste par des mots saisissants, d'une grande sensibilité et qui relèvent de la poésie. «Ce sont de vains, de maladroits conseils que je t'adresse… Je ne voulais pas autre chose : qu'écrire à propos de cet art un poème dont la chaleur montera à tes joues. Il s'agissait de t'enflammer, non de t'enseigner», écrit Jean Genet.