Représentation n Le rideau s'est levé, hier, au Théâtre national, sur la troupe du Soudan qui a présenté, au public une pièce intitulée Kaylé. La pièce, mise en scène par Seddik Djenha, revient sur la guerre au Darfour. C'est une construction dramaturgique du conflit et une reconstitution dans un imaginaire scénique inspiré. La pièce s'ouvre sur une protagoniste qui, éprouvée par la guerre, fait une entrée originale : elle entre côté public. Elle marche en titubant, elle tombe puis se relève et, tout éprouvée et toute vacillante, elle arrive près de la scène, puis dans un cri retentissant, assourdissant, cri déchirant l'espace, hurle le nom de Kaylé, tombe sur le sol et s'évanouit. A ce moment-là, trois autres comédiens surgissent d'en bas. Ils sortent de sous la scène (une trappe) et montent, en file indienne, sur les planches pour les investir. Tous trois entrent dans un récit. Ils nous racontent le conflit. Ils le rapportent selon le lien qu'ils entretiennent avec cette réalité qu'est le conflit. Mais aussi chacun dit ce vécu selon les journaux, les versions et les interprétations différentes du conflit, avancées par les médias locaux et internationaux. Le décor est d'ailleurs imaginé en ce sens. Un grand panneau est disposé en arrière-scène et sur lequel des pages et des pages de journaux sont collées. Chacune rapporte les faits, les commente et les interprète différemment, créant ainsi des prises de position et des opinions diverses. Toutefois, les trois protagonistes, semblables à des conteurs, tentent, dans ce fatras d'informations et de versions sur le conflit, d'y voir clair. Ils s'emploient à y rechercher la vérité en reconstituant par le récit les faits et en essayant de les remettre en situation, de les recontextualiser. Tous trois revêtent cette réalité pour mieux la sentir, et ce, afin de saisir les raisons du conflit et en mesurer les conséquences, sans toutefois prendre position. La pièce nous fait vivre le conflit, et à travers le jeu des comédiens, elle dégage une forte charge émotionnelle, nous faisant instantanément ressentir les souffrances et les peines de la population du Darfour. Plus tard, la protagoniste qui hurlait le nom de Kaylé, reprend connaissance. Elle se réveille comme elle s'était évanouie, en criant le nom de Kaylé. Puis, elle monte sur scène, la parcourt en continuant de hurler le nom de Kaylé. Elle l'appelle, elle le cherche. Elle se dirige vers le panneau où sont collées les pages des journaux, les parcourt des yeux, espérant trouver son nom. «Kaylé, Kaylé…», ne cesse-t-elle de crier, d'appeler. Kaylé est cet enfant du Darfour, victime de la guerre. La protagoniste, aiguillonnée par une fibre maternelle, raconte Kaylé. Celui-ci serait-il son enfant ? La pièce se présente dans un langage théâtral approprié, fort, poignant et saisissant. C'est une puissance émotionnelle. Ce langage théâtral est soutenu par une interprétation par laquelle les comédiens se sont illustrés. La pièce a été présentée dans le cadre de la 1re édition du Festival international du théâtre d'Alger qui coïncide avec la tenue du 2e Festival culturel panafricain.