Fatalité Leïla et Aziz, des nouveaux mariés, traversent leur première épreuve ensemble : un f?tour sous la tente. Il est 14h30, Leïla épluche les pommes de terre tout en jetant, de temps à autre, un coup d??il dans la marmite qui bout. Un faux geste et tout peut basculer. Une chaleur insupportable règne dans la kheïma. «J?ai dû commencer à midi pour pouvoir préparer le repas. Avec une tabouna, je n?aurais jamais le temps de tout faire», déclare Leïla en essuyant la sueur de son visage. Pour ce premier jour du ramadan, elle a préparé de la chorba et des frites avec quelques morceaux de viande. «On nous a promis aujourd?hui du poulet et des ?ufs, mais ils ne nous ont rien donné. Heureusement que je ne les ai pas attendus, sinon je n?aurais rien préparé.» En fait, elle avait prévu un tadjine zitoun qu?elle adore avec du poulet. De temps en temps, la voisine entre sans prévenir et visionne tout ce que fait Leïla. d?un petit coin entrouvert toute la journée pour rafraîchir un peu la tente, on peut voir ce que fait cette femme. Ici, il est impossible d?avoir une intimité. Il est 18h, d?une voix rauque, le muezzin annonce la rupture du jeûne, tout le monde est attablé. Les quelques hommes qui bavardent encore dans le site accourent vers leur «maison». Leïla dresse sa meïda, son mari Aziz est là. Accroupi, il attend qu?elle lui serve la soupe. Sur la minuscule table, elle dépose les différents plats ; les verres et les bouteilles d?eau sont par terre. «L?idée de passer le premier jour du ramadan sous une tente m?a torturé toute la journée. Heureusement que vous êtes là, ça change un peu !» avoue Aziz en buvant un grand verre d?eau. Quelques minutes après, le repas s?achève et le mari sort prendre un thé dehors laissant sa femme continuer. La voisine entre et, comme à son habitude, discute au seuil de la tente. «Aucun répit, je lave la vaisselle depuis tout à l?heure, nous sommes une famille nombreuse et le f?tour ne se passe jamais sans dispute. Il n?y a pas assez d?espace.» La discussion s?attarde sur les problèmes, elle est inchangée. Le relogement et la distribution des aides sont évidemment au menu. «Il fait terriblement froid la nuit et c?est insupportable, en plus c?est humide. J?en deviens allergique. Dans la pharmacie du site, aucun médicament n?est disponible, nous n?avons plus rien depuis deux mois», raconte encore Leïla. «Nous n?avons guère profité de notre vie de couple, nous avons passé six mois dans la maison que nous louait un particulier et les autres six mois sous la tente.» Leïla range sa table, elle jette la salade qui lui reste. «Nous n?avons pas de réfrigérateur et il faut qu?on mange tout ce qu?on prépare. Parfois, j?en donne aux voisins. C?est une tragédie, je ne peux rien conserver, comme si je n?avais pas de maison.» Elle se lève encore et va préparer le café pour commencer une soirée qui s?annonce aussi banale que les autres.