Nécessité Autrefois, les familles algéroises hypothéquaient des bijoux pour s?offrir le luxe d?une table joliment décorée et bien garnie. Aujourd?hui, on met au clou pour ne pas mourir de faim. Chaque événement fournit à la famille algérienne l?occasion de se saigner à blanc. Une naissance, la rentrée scolaire, la circoncision, le ramadan, l?Aïd... Autrefois, le salaire du chef de famille était loin de suffire aux besoins des nombreux enfants. L?épouse ne travaillait pas, ce qui accentuait les difficultés financières au sein du ménage. Celui-ci voyait alors une aubaine dans cette pratique qui consiste à mettre en gage ses bijoux en échange d?une somme d?argent. Mais pour beaucoup de familles, le ramadan méritait un tel sacrifice. La ménagère tenait à ce que sa vaisselle soit renouvelée. Il fallait que le mois de jeûne soit accueilli avec de nouveaux couverts et que la table ne manque de rien. Ce mois s?est toujours caractérisé par des mets spéciaux et les familles tenaient à ne pas déroger à la règle. Ces habitudes se sont perpétuées au fil du temps. Il est pratiquement entendu que le ramadan n?est pas un mois ordinaire et que l?on doit se conformer à ce qui est devenu comme un rituel. Seulement, le recours au prêt sur gages n?obéit plus seulement à ce cas de figure. Le chômage ronge la société et l?érosion du pouvoir d?achat fait qu?on ne peut plus affronter les dépenses les plus indispensables. Du coup, le fossé entre la classe nantie et la couche démunie s?est élargi, l?entrée dans l?économie de marché a conduit à la paupérisation de la population. On ne met plus seulement au clou pour s?offrir la coquetterie d?une table joliment décorée et garnie, l?indigence pousse à gager ses babioles pour ne pas mourir de faim après une journée d?abstinence. Beaucoup de familles démunies vivotent dans l?indifférence d?un voisinage devenu égoïste, inimaginable il y a encore quelques années. On ferme sa porte à la souffrance des autres et on s?attable devant des victuailles qu?on a du mal à digérer. Il va sans dire que le jeûne a perdu de sa substance, puisqu?il n?incite même plus à l?entraide et à la solidarité. Alors, on met au clou le peu que l?on a pour assurer la subsistance des siens. Mais il existe des femmes qui n?auraient jamais l?idée de gager leurs bijoux. Pour cette catégorie, le fait d?hypothéquer ces objets de valeur est synonyme de déshonneur, tout comme la vente de la terre pour un paysan.