Slogans n «L'escalade en Irak ? Sens interdit», proclamaient plusieurs banderoles hier à Washington, tandis que des milliers de manifestants entonnaient le slogan «Ramenez les troupes maintenant !» Habituée à des actions, jusque-là, timides et limitées, la société civile américaine a haussé le ton. Un agissement motivé, certainement, par l'opposition «farouche» que les démocrates ont manifestée au président Bush et à sa nouvelle stratégie en Irak. En effet, le mouvement anti-guerre américain a organisé samedi à Washington une grande manifestation pour pousser le Congrès à voter la fin de la guerre en Irak, avec l'appui d'une poignée de stars hollywoodiennes de gauche comme Jane Fonda et Sean Penn. «Cela fait 34 ans que je ne m'exprime pas dans un rassemblement anti-guerre, parce que j'avais peur que, à cause des mensonges propagés sur moi (et la guerre du Vietnam), je sois utilisée pour nuire à ce nouveau mouvement anti-guerre, mais le silence n'est plus une option», a lancé Jane Fonda, 69 ans, surnommée «Hanoï Jane» il y a une trentaine d'années pour s'être installée sur un canon anti-aérien nord-vietnamien en juillet 1972. Plusieurs dizaines de milliers de premiers manifestants se sont rassemblés sur la grande esplanade au pied du Capitole, pour scander des slogans qui, pour une fois, étaient moins adressés au président George W. Bush, «qui se fiche vraiment de ce que pensent les Américains», mais au Congrès, «qui a le pouvoir de mettre fin à cette guerre», avait expliqué un porte-parole de l'association, Hany Khalil, à la veille de la manifestation. Pour Len Singer, 74 ans, qui a parcouru quelque 300 kilomètres pour se rendre de Portsmouth (Virginie) à Washington, il était important de manifester dès le début de la nouvelle majorité démocrate, élue en novembre au terme d'une campagne largement dominée par la guerre en Irak. «Si les démocrates gaspillent cette occasion, ils ne saisiront jamais l'occasion de couper les fonds de la guerre, ni de destituer (le vice-président Dick) Cheney et (le président George W.) Bush», a-t-il insisté. Les manifestants s'efforçaient de faire signer une pétition appelant notamment le Congrès à «voter le retrait immédiat de toutes les forces américaines en Irak», et «voter contre toute enveloppe budgétaire finançant la moindre action militaire en Irak, à l'exception du retrait en sécurité de tous nos militaires». Cette manifestation intervient alors que le Sénat pourrait voter dans une dizaine de jours une ou plusieurs résolutions non contraignantes dénonçant la nouvelle stratégie annoncée par le président Bush le 10 janvier, passant par le déploiement de 21 500 militaires supplémentaires. «Nous sommes venus dire (aux responsables politiques) que s'ils ne se ressaisissent pas, et s'ils ne votent pas une résolution aussi contraignante que le bilan humain (de la guerre), nous n'allons pas les soutenir», a lancé Sean Penn. La mobilisation, sous un froid soleil, semblait en passe de devenir la plus réussie depuis la dernière manifestation de force des antiguerre en septembre 2005. Le collectif «United for peace and justice» (Unis pour la paix et la justice) avait déjà rassemblé alors de 100 000 à 300 000 personnes à Washington en septembre 2005.