Notes n Il y a un effet d'abstraction dans les peintures de Mohamed Djenidi, même s'il y a une mise en scène de personnages dans un décor palpable, effectif. Le hall d'exposition de l'hôtel El-Djazaïr (ex-Saint-George) abrite l'exposition de Mohamed Djenidi, un artiste peintre, dont l'œuvre, à consonance musicale, se compose au rythme du jazz. Celui-ci y occupe ainsi toute une place. Il constitue l'objet même de sa création picturale. Le regard découvre, dans un espace coloré, un lieu évocateur – d'instants où se mêlent le blues à la jubilation, la virilité à la sensualité –, des hommes, des Afro-Américains, des musiciens d'époque, bien affairés, concentrés sur leurs instruments : l'un au piano, l'autre à la guitare, un autre au saxophone… Tous – ils semblent être en mouvement – jouent des moments musicaux, des paysages feutrés, tamisés et à l'atmosphère lascive. Le regard, happé par cette atmosphère où virilité rime – dans un élan poétique – avec sensualité, y prend part pour y découvrir d'autres plaisirs sensitifs, et des impressions musicales nouvelles. Il découvre et explore un univers inédit, joliment imaginé, rendu perceptible et appréciable grâce au choix des couleurs, une palette virant à l'abstrait – et avec laquelle est mené ce jeu d'ombre et de lumière par lequel se distinguent les peintures de l'artiste. Il y a effectivement un effet d'abstraction dans les peintures de Djenidi même s'il y a une mise en scène de personnages (l'artiste, d'ailleurs, applique à ses protagonistes le mouvement sous prétexte de danse ou d'autres actions physiques) dans un décor palpable, effectif. Un décor attachant, également. Le regard se fond et se confond dans cette présence mélodique. Toutefois, ce décor semble – avec ses personnages – se révéler fantomatique, comme si tout cela venait d'une autre existence, de l'au-delà. L'artiste s'est employé, à l'aide de sa sensibilité, à ressusciter, mais autrement, selon son imaginaire, sa mémoire affective, voire sa nostalgie, cet univers où le réel et l'imaginaire ne sont séparés que par une petite frontière, infime et mouvante, et sur laquelle se situe l'action picturale de Djenidi. Une action de toute beauté enclenchant un essaim de notes et de tonalités. Cela transforme, d'emblée, l'œuvre en une partition qui ne se joue qu'avec le regard et se chante avec le cœur. Ce sont des peintures de l'intériorité, donc de l'inconscient et qui, cependant, se manifestent visiblement à notre regard. Puisque derrière tout ce figuratif, ce monde de la représentation se dissimule, agit et se fait abstrait dans sa beauté et sa poésie plastique.