A peine la Journée de l'handicapé terminée, le dossier sera remis dans les tiroirs poussiéreux, et la société, qui tente le 14 mars de chaque année de se donner bonne conscience, fera comme si ces handicapés n'existaient pas. Pourtant, ils sont bien là à se battre tous les jours pour se faire une place. Parmi eux les non-voyants, dont beaucoup sont plus clairvoyants que les autres. Ne dit-on pas qu'il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ? La vie, c'est la vue ! Mais qui perd la vue ne perd pas forcément le goût à la vie ! C'est le moins que l'on puisse dire à voir ces vieux, jeunes et moins jeunes atteints de cécité, sans pour autant baisser les bras. Ayant appris à vivre avec leur handicap, ils étudient, travaillent, font du sport, de la musique, etc. Bref, ils sont actifs, dynamiques, énergiques. Leur nombre est de 62 000 dans notre pays, selon des statistiques officielles. Mais ce chiffre ne refléterait pas la réalité, car dans de nombreuses régions, la cécité demeure encore une «maladie tabou» qu'il faut cacher à tout prix, surtout quand elle touche la femme. C'est dire combien le poids de la société est pesant. Tellement pesant que le commun des citoyens a du mal à accepter les non-voyants comme ils le sont, c'est-à-dire des êtres humains qui ouvrent droit à l'enseignement, au travail, au logement. Ils ne voient pas certes, mais ils sont loin d'être des incapables, des bras cassés ou des déficients. Beaucoup d'entre eux refusent, aujourd'hui, qu'on s'apitoie sur leur sort, «car ce n'est pas cela qui nous rendra la vue», ou qu'on les assiste éternellement, «car cela ne réglera pas le problème». Tout ce qu'ils demandent, c'est qu'on leur donne les moyens d'être autonomes et indépendants. «Ne nous donnez pas du poisson, mais apprenez-nous à pêcher», semblent-ils dire. A bon entendeur…