Portrait n Avec des salaires de misère, bon nombre d'Algériens ont cru trouver la parade en contractant des crédits auprès des banques. Si beaucoup s'en réjouissent, d'autres en revanche regrettent d'être passés à l'acte. Ingénieur dans une boîte privée, Madjid 35 ans, a fait depuis longtemps ses calculs. Avec un maigre salaire, il lui faut exactement 16 ans pour acheter rubis sur l'ongle, un F2 et un véhicule. Pour préparer son mariage, Il a décidé de contracter un crédit auprès d'une banque privée. 150 000 DA. La somme est versée dans sa totalité à un vendeur de produits électroménagers chez qui le futur couple allait s'équiper. Par un autre procédé, il s'était vu accorder deux autres crédits dans deux banques différentes. Les prélèvements mensuels sont de l'ordre de 2 500 DA. «C'est supportable», disait-il avant. Son salaire estimé à 16 500 DA n'a pas changé d'un iota depuis longtemps. Ne pouvant pas subir un poids trop lourd, il décide alors de rééchelonner sa dette en contractant un autre crédit. Un de plus, un de trop. «Je sais bien que je ne vais pas sortir de cette spirale, alors autant faire crédit sur crédit jusqu'à ce que je gagne un jour le jackpot.» Madjid dort rarement sans un somnifère. A force de penser au «crédit», il fonce directement vers une cirrhose ou un ulcère perforé. Quelques fois, il est au bout de la crise de nerfs. Surtout quand sa banque, qui s'aperçoit que son compte est vide au moment de faire la ponction, lui adresse des mises en demeure par intermittence. Aujourd'hui dans de mauvais draps, il ne sait toujours par si son dossier est entre les mains de la justice ou pas. Mauvais payeur malgré lui, Madjid s'efforce de trouver des solutions. Pour le moment rien ne se profile à l'horizon. Le jackpot n'arrivera peut-être jamais et, en contractant d'autres crédits çà et là, il va s'endetter pour au moins trente ans encore. «Je suis un homme mort», se lamente-t-il à longueur d'année, Djamel est comme Madjid. Il a une vie de façade. Il vit à crédit. De l'extérieur, tout semble cossu pour lui. Une belle voiture, un bel appartement et un couple intello avec plein d'idées. Seulement, depuis qu'il s'est tout permis, son compte bancaire est tout le temps vide. Les échéances des crédits prennent presque la totalité du virement mensuel. L'appartement acquis en 2005 est financé entièrement à crédit. Sa Huyndai aussi. Cela sans compter l'électroménager qui grève davantage le budget. Pourtant son entourage est persuadé qu'il est aujourd'hui aisé. Ces deux exemples, et bien d'autres aussi, renseignent, on ne peut mieux, sur un phénomène de nos jours de plus en plus accentué chez les ménages à revenu moyen. Des centaines de milliers de comptes sont débiteurs dès la réception des salaires. La plupart des consommateurs ne pouvant honorer leurs dettes, accumulent des mois et des mois d'impayés et n'optent pour de nouveaux montages financiers que pour s'enfoncer davantage.