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Marché du crédit bancaire et marché monétaire
Publié dans El Watan le 07 - 10 - 2007

Selon des informations persistantes qui circulent dans les milieux bancaires concernés, le gouvernement aurait décidé de retirer la décision d'août 2004 qui organisait la segmentation du marché du crédit bancaire et du marché monétaire.
Si cette information se confirme, les autorités feraient preuve d'un pragmatisme très utile et démontreraient que la rationalité progresse dans la gestion des affaires économiques et financières du pays. L'impact d'une telle décision sera remarquable et dépassera de loin la question de la privatisation du CPA et de la modernisation de l'industrie bancaire.
La décision d'août 2004 était insoutenable à moyen terme
Une décision administrative du 8 août 2004 relative à la domiciliation des entreprises du secteur public exclusivement dans les banques publiques a organisé l'exclusion des banques privées installées en Algérie de toute relation d'affaires avec les entreprises publiques et de la ressource des banques publiques et des autres institutionnels sur le marché monétaire. Des circonstances particulières dont on se souvient bien avaient conduit à cette décision, il y a trois ans. La décision organise la dichotomie entre entreprises du secteur réel appartenant à l'Etat, et les banques et établissements privés, d'autre part ; entre secteur bancaire public et banques et établissements financiers privés, d'autre part. Dans le premier cas, elle tourne le dos à l'efficacité et à la performance des entreprises et des banques. L'entreprise est sanctionnée et ses performances sont réduites en raison de l'inefficacité éventuelle de sa banque. La banque publique, assurée de garder sa clientèle, ne fera pas les efforts nécessaires pour attirer d'autres clientèles. Elle prive les banques privées des moyens de distribution de crédit, car pour un montant donné de leurs fonds propres, l'activité d'octroi de crédit ne peut s'analyser indépendamment de la collecte des dépôts. Cette mesure exclut aussi de facto les banques privées de l'activité de garantie par signature et des commissions qui lui sont liées. Elle aboutit à renchérir le coût de la garantie pour les entreprises publiques, en raison de la faible concurrence en matière d'octroi de caution, notamment sur les marchés publics, activité fort importante en Algérie. Les risques de représailles, en matière de confirmation de crédits documentaires ouverts par les banques algériennes, n'étaient pas nuls. La décision porte atteinte à l'autonomie de gestion des entreprises publiques économiques, pourtant reconnue par la loi : le choix de la banque est un acte de gestion et l'instruction donnée par la décision aux organes sociaux de ces entreprises de prendre les résolutions pour son application ne diminue en rien le caractère inopportun de la mesure. Il y a aussi atteinte au domaine de compétence réservé par la loi au Conseil de la monnaie et du crédit. C'est la supervision du secteur bancaire par la Banque d'Algérie qui garantit la bonne fin des prêts sur le marché monétaire ; les prêteurs peuvent aussi exiger des garanties. L'intermédiation financière ne peut être parcellisée : les banques étrangères, comme d'ailleurs les banques privées locales, nourrissent en toute légitimité l'ambition de tisser des relations avec l'ensemble des entreprises ; le marché monétaire, où s'échangent les liquidités entre tous les acteurs financiers autorisés à intervenir par le Conseil de la monnaie et du crédit, en est un : il ne saurait y avoir deux marchés des capitaux à court terme, l'un réservé aux institutions financières publiques et l'autre propre aux banques privées. Pouvait-on sérieusement appliquer la décision citée à la nouvelle banque issue de la privatisation du CPA, ni d'ailleurs à toutes les banques privées présentes sur le marché, qui offrent toutes les garanties de transparence, de sécurité et de solvabilité à leurs clients ? Le gouvernement semble répondre valablement à cette question. Il prend acte qu'une avancée significative dans la modernisation des structures, des méthodes et des régulations bancaire et financière est indispensable pour l'acte d'investir et de produire et pour lutter contre la croissance molle qui caractérise notre pays. On ne peut que s'en réjouir.
La privatisation du CPA était fortement hypothéquée par le maintien de la circulaire
L'ouverture du secteur bancaire algérien aux banques privées a conduit à certains progrès qui restent insuffisants Depuis l'ouverture du secteur à la concurrence, les banques étrangères n'ont pas voulu ou pas pu s'impliquer sérieusement dans le financement du développement, c'est-à-dire des entreprises et des ménages, faire vraiment de la banque de détail leur priorité. Certaines ont choisi délibérément de sélectionner leurs clientèles pour la collecte et encore plus pour le crédit. Elles ont aussi choisi de privilégier certaines zones et se sont désintéressées des autres. Elles ont recherché essentiellement le « haut de gamme » des entreprises et des ménages. D'autres, tout en ouvrant un peu plus grandes leurs portes, se sont concentrées sur le crédit à la consommation des ménages et le crédit documentaire. Toutes, ou presque toutes, ont alimenté le sentiment que le financement plus large du développement les intéressait peu et que les « niches » rentables à court terme étaient leur priorité. Au total, leur place dans l'industrie bancaire et sur le marché bancaire reste limitée, notamment en comparaison avec la situation au Maroc et en Tunisie. Les pouvoirs publics regrettent que l'intervention des banques privées sur le marché du crédit bancaire n'ait pas changé substantiellement la bancarisation de l'économie ou le dynamisme du financement du crédit à l'investissement, notamment pour les PME. Les opérateurs économiques observent non seulement une sélection drastique des clients, un renchérissement du crédit à l'investissement mais aussi des conditions strictes de prise de garantie. La seule lueur d'espoir réside dans les délais plus courts de traitement des dossiers et une certaine amélioration de la qualité du service. Les particuliers n'ont pas vu s'améliorer substantiellement les moyens de paiement ni leur accès au crédit à des conditions acceptables. Cette frilosité des banques étrangères face à l'investissement et aux opérations de détail rend le bilan de l'ouverture bancaire très ambivalent, l'amélioration relative de la qualité des services ne compensant pas ses aspects négatifs aux yeux des pouvoirs publics, des opérateurs économiques et des particuliers même si la pratique bancaire comporte nécessairement une part de sélectivité. De leur côté, les banques étrangères ont fait valoir que la circulaire d'août 2004 les a privées de ressources et de clients au moment même où elles faisaient un effort pour étendre leurs réseaux, augmenter leurs fonds propres et recruter plus de compétences. Au moment aussi où la liquidité augmentait. Notre croissance est contrainte, ont-elles fait valoir à juste titre dans certains cas. Dialogue de sourds en définitive, auquel le retrait de la décision viendrait mettre fin. Dorénavant, chacun va pouvoir montrer ce qu'il sait faire dans une industrie bancaire plus compétitive ! Plus particulièrement, que peut apporter la privatisation du CPA à la consolidation de l'industrie bancaire en Algérie à un moment où celle-ci est indispensable à la croissance et à la diversification de l'économie ? La banque est devenue un ensemble de métiers complexes que l'Algérie connaît mal. Le pays ne peut davantage se passer de ces métiers qu'il ne peut faire l'économie des nouvelles technologies industrielles. Les banques publiques, dans l'état actuel de leur organisation et de leur gestion, ne sont pas toujours en mesure d'assurer l'intermédiation financière efficace nécessaire à la diversification économique. Plus grave encore, les banques publiques sont l'objet de pillages récurrents comme le montre l'actualité de certaines d'entre elles et les abus dans la distribution du crédit. Dans ce contexte, la privatisation de deux banques publiques s'est imposée au bon sens. Celle du CPA connaît sa phase finale. Celle de la BDL est amorcée. La privatisation du CPA notamment est très attendue par les acteurs économiques et les pouvoirs publics. Les premiers attendent une amélioration notable du service et un meilleur accès au crédit d'investissement à des conditions acceptables. Les seconds attendent parallèlement à la croissance des réseaux des banques privées de la place, la transformation en profondeur des caractéristiques de l'industrie bancaire, notamment en matière de bancarisation, de financement des PME et la généralisation des instruments modernes de paiements. Vœu partagé par les particuliers. Les banques ont aussi un rôle important à jouer dans la mise en relations d'affaires des entreprises. Les banques étrangères, celles qui sont en Algérie et celles qui souhaitent s'y installer, du fait de leur caractère international, peuvent, plus que toute autre, apporter une contribution décisive dans ce domaine essentiel pour la croissance et la diversification de l'économie algérienne. Les critères qui ont présidé à la sélection des candidats à la reprise du CPA révélaient, en outre, la volonté des pouvoirs publics d'associer le destin du CPA à celui d'un grand groupe bancaire mondial dont la puissance commerciale et financière est reconnue, dont la gestion et la gouvernance, notamment le contrôle interne et la supervision externe, obéissent à des règles mondialement reconnues Mais toutes ces attentes et ces espoirs risquaient d'être déçus en cas de maintien de la décision d'août 2004 en raison de la limitation des moyens et des clientèles qu'elle imposait d'entrée de jeu au repreneur du CPA. C'est demander à un boxeur de lutter avec un seul bras !
L'impact prévisible du retrait de la décision
sur le processus de vente du CPA
Le retrait de la décision favoriserait évidemment de meilleures offres pour le rachat du CPA dès lors qu'il a un effet sur le plan d'affaires du repreneur. Il conduirait à augmenter de manière significative les perspectives d'activité et de rentabilité du futur CPA. Certains ont estimé que la valorisation du CPA, son good will, serait réduit d'un quart en cas de maintien de la circulaire au moment de la transaction en raison notamment du niveau significatif des dépôts et des crédits des entreprises publiques dans la banque, mais pas uniquement. Il est clair que les offres techniques et financières se présenteront autrement. Parce qu'il a dorénavant la certitude de garder la clientèle des entreprises publiques du CPA et qu'il peut en attirer d'autres, le futur repreneur ne peut qu'en tenir compte dans son plan industriel et dans son offre financière. C'est une très bonne nouvelle. La taille et l'envergure nationale du réseau du CPA offrent au repreneur un marché potentiel important. Ce marché serait plus lent, plus difficile et plus coûteux à construire en utilisant l'autre modalité d'implantation, la création et le développement d'un réseau en propre. Les entreprises publiques ne seront pas privées des innovations financières qui sont attendues précisément du repreneur de la banque. Et ceci est très important à l'heure actuelle.
sur le fonctionnement du marché du crédit bancaire
La réunification du marché du crédit bancaire et du marché monétaire va aussi favoriser la concurrence, tous les opérateurs ayant un accès potentiellement égal aux ressources et à toutes les clientèles. A celles-ci de choisir la banque qui sert le mieux leurs intérêts. Bien sur, une orientation des dépôts des entreprises publiques dans les banques privées en fonction du degré de sécurité qu'offre le niveau de leurs fonds propres et d'autres paramètres sera probablement nécessaire. Cela permettra aussi aux banques privées de retrouver toutes les activités de signature hors bilan qui sont importantes et qui, dans l'état actuel des choses, conduisent à des surcoûts importants pour les entreprises publiques en raison notamment de la taille des fonds propres des banques publiques.
sur les autres dossiers de privatisation ou d'ouverture du capital
Le gouvernement a annoncé récemment l'ouverture du capital de la BDL. Dans ce nouveau contexte, celle-ci se présente évidemment sous un jour meilleur et va certainement attirer plus d'intérêts. A condition évidemment que l'offre faite aux repreneurs soit rationnelle et que le processus de vente le soit aussi. Donner et garder ne vaut ! Cela est valable en toute privatisation sérieuse. On compare volontiers ce qu'il faut faire en Algérie à ce que la Libye a fait récemment en ouvrant le capital de la banque du Sahara à hauteur de 30% seulement et en réussissant son opération dans un délai record. Mais comparaison n'est pas raison : le secteur bancaire libyen est encore très fermé alors qu'en Algérie, les grandes banques internationales sont déjà présentes et connaissent déjà un dynamisme certain qui détermine en grande partie leur politique d'achat des banques locales. D'autres privatisations sont annoncées comme celles de la CAAR dans le secteur des assurances. La rénovation de l'entreprise est en cours, mais gagnera à un partenariat de haut niveau sur un marché qui bouge.
sur la réputation et l'image de l'Algérie en matière économique et financière
En retirant la décision d'août 2004, les autorités démontreraient leur pragmatisme et leur rationalité en matière de gestion économique et financière. Elles apporteraient la preuve que le dogmatisme n'a pas cours quand les intérêts globaux de l'économie sont en cause. Cette décision pragmatique, rationnelle et courageuse aura encore un grand impact sur l'image de l'Algérie à l'extérieur, bien au-delà du cas de la privatisation du CPA. Beaucoup d'observateurs de la politique économique algérienne insistent sur la nécessité d'afficher un discours clair en direction de l'opérateur extérieur quel que soit son domaine d'intervention : réalisation de projets, participation à la privatisation (c'est le cas ici), investissement direct ou partenariat. Ce n'est pas le lieu ici de citer quelques signaux contradictoires qui ont pu être émis, souvent, d'ailleurs, de façon involontaire, dans ce domaine si vital à la croissance. Cette décision corrigerait avantageusement cette perception. La politique de l'offre, centrée sur l'entreprise et si indispensable à la croissance de la production et des revenus, ne peut que gagner à la mesure annoncée qui va certainement dynamiser le marché du crédit bancaire, étant entendu que le meilleur sera choisi parmi les candidats à la reprise du CPA.


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