Littérature n Deux livres viennent de paraître aux éditions Sedia dans «A bâtons-rompus», une série d'entretiens réalisés par Youcef Merahi. Le premier est focalisé sur Yasmina Khadra, le second est centré autour de Anouar Benmalek. Deux écrivains, donc deux voix s'entretenant à bâtons-rompus avec Youcef Merahi et, du coup, s'adressant ouvertement aux lecteurs. Dans cet entretien, les deux écrivains, et cela avec profondeur et spontanéité, analysent, s'émerveillent, s'indignent, se souviennent, se révèlent et racontent chacun leur vie et son prolongement naturel : l'écriture, la littérature… Dans l'entretien consacré à Anouar Benmalek, l'écrivain parle de poésie, donc de ses débuts, puisque son premier est un recueil de poésie, publié en 1984. Il passe plus tard au roman. «La poésie est la chose la plus compliquée qui soit. Je crois que si l'écriture littéraire était de l'athlétisme, la poésie serait son épreuve reine : le cent mètres. Dans ce cas, je serais plutôt marathonien. Je veux dire qu'écrire à la suite plusieurs recueils de poèmes, c'est comme enchaîner plusieurs cent mètres. C'est extrêmement difficile…», s'explique-t-il. Anouar Benmalek parle d'autre part de «paresse intellectuelle», où le film a remplacé le livre, parce qu'un film ne demande pas un effort intellectuel, alors qu'un livre nécessite du temps pour le terminer. Il nécessite également de la réflexion. Ainsi, «un film requerra moins d'efforts qu'un livre», dit-il. Mais contrairement au film, «quand on a lu [un bon livre], on sait qu'on a gagné quelque chose à la fin, sans savoir précisément comment le définir : quelques connaissances supplémentaires…»Anouar Benmalek parle également de l'écriture, de cet acte qui devient, à la longue, un rituel, une nécessité. L'écrivain évoque dans cet entretien ses quêtes, ses incertitudes, ses inquiétudes également, ainsi qu'«une nouvelle manière de se poser des questions dérangeantes sur la destinée de notre extravagante espèce, l'homo sapiens». D'autres questions comme la diversité culturelle, l'usage de la langue dans la littérature (l'éternelle problématique), le devoir de vérité, l'expérience humaine ou encore le souvenir, l'origine, voire l'appartenance y sont développées venant enrichir l'entretien. Par ailleurs, et dans l'entretien consacré à Yasmina Khadra, Youcef Merahi tente de cerner l'écrivain, de le comprendre en l'expliquant notamment par rapport à l'écriture ; c'est donc dans l'écriture, voire dans ses romans que Youcef cherche d'abord l'homme avant l'écrivain, un homme qui entretient d'intimes relations avec l'écriture. «J'ai l'intime sentiment d'être venu au monde pour écrire. Tout petit, j'ai commencé [d'ailleurs] à gribouiller, fasciné par la rime et la musicalité des mots. Au début, j'écrivais en arabe ; des poèmes, parfois des chansonnettes (…)», dit Yasimna Khadra. Ainsi, écrire est pour l'écrivain «une façon de tenir tête à mon propre destin». Yasmina Khadra parle également de son attachement à l'Algérie, un pays que «je n'ai pas choisi, comme ma mère et mon père, et je m'en accommode…», dit-il. Il parle d'autre part de la violence, thème récurrent dans ses écrits, de la vérité et du courage, et ce à travers ses personnages qui incarnent une portée littéraire et sont l'essence de l'œuvre, le garant de son efficacité, et qui donnent un sens précis à l'histoire, un message, une mission. Autant de questions qui viennent définir l'écrivain et le circonscrire dans une réflexion littéraire qui se veut universelle.