Expression n La générale d'El Machina (le train) de la compagnie indépendante El-Gosto a été donnée, hier samedi, au Théâtre national. Adaptée du texte d'Abdelkader Alloula, Lagoual, par Ziani Cherif Ayad et mise en scène par celui-ci, la pièce raconte l'histoire de Zenouba, une jeune adolescente qui a un grand cœur mais qui est atteinte d'une maladie incurable. Elle a le cœur ; celui qui, à la fois, la fait vivre, la fait aimer, la rend d'une grande sensibilité et l'épuise. Dans le wagon qui l'emmène chez son oncle pour des vacances, plus exactement pour une convalescence, Zenouba rencontre des gens, hommes et femmes, avec qui elle parle et se lie parce qu'elle a un grand cœur. Le wagon se transforme, l'instant du voyage, en une galerie de personnages qui se croisent, se parlent, chacun y racontant vie, son drame ; et «les mots [dits] ont le goût de la braise, un condensé de vies éclatées que la [violence] a jetées dans ce train», qui n'est autre que le train de la vie. La pièce est également un clin d'œil à Abdelkader Alloula, le lion d'Oran, comme se plaisent à l'appeler ceux qui l'ont connu, ravi à la culture et à l'Algérie par les terroristes. Cette pièce se révèle par cette œillade un hommage au dramaturge, puisque c'est sa fille, Rihab Alloula, qui y joue Zenouba. Le déroulement de la pièce est original : limitant le public à cent vingt personnes, le metteur en scène a voulu renouer avec le théâtre algérien aux anciennes formes d'expressions populaires. Il a reconstitué la halqa. Cette forme de représentation est disposée en cercle. Contrairement à une configuration classique où le public se trouve face à la scène où se tient la pièce, le metteur en scène, en s'inspirant de la halqa, a invité l'assistance à monter sur les planches. Il a disposé, de côté comme de l'autre de la scène, des gradins (seulement) à deux niveaux ; et entre les deux vient se mettre en place, se constituer l'espace scénique, c'est-à-dire là où la pièce se jouera. Ainsi, la scène, recrée à partir d'un imaginaire populaire, est entourée de spectateurs qui, eux, se voient aussitôt impliqués dans le jeu et retrouvent, dans cette complicité improvisée, cette proximité entre la scène, les comédiens, et le théâtre. S'agissant enfin du jeu, les comédiens se sont distingués dans le dialogue et les déplacements. La volubilité, l'intonation et l'élocution de chacun ont rendu le texte lisible et fort expressif, un texte d'une grande beauté, d'une richesse langagière saisissante et d'une authentique poésie théâtrale. Cette expressivité qu'illustrent pleinement les comédiens dans un naturel convaincant est accentuée à travers leurs déplacements, déplacements appropriés à l'espace où ils évoluent. Fluidité, habileté, justesse, légèreté, consistance, poésie… C'est alors en ces termes que le public peut approcher la pièce qui se veut, pour le metteur en scène, c'est-à-dire la manière dont elle s'est déroulée, une démarche artistique, une réflexion sur les formes d'expressions (populaires) au théâtre, un champ d'exploration et de recherche dramaturgique.