Jeu n La générale de El-Lahn Ettaih (la mélodie perdue) du théâtre d'Annaba a été donnée, hier mardi, au Théâtre national. Mise en scène par Abdelhamid Gouri, la pièce montre comment les vraies valeurs, humaines et spirituelles sont remplacées par d'autres plus matérielles et éphémères. Elle raconte une mélodie, une jolie et douce mélodie dont une princesse s'est éprise. L'auteur de cet air séducteur, et pour approcher cette dernière et l'épouser, conclut un arrangement avec un esprit malveillant qui, en échange de ses vraies valeurs, lui accorde richesse et considération politique. Prenant, plus tard, connaissance de la vérité, elle le refuse, car, pour elle, s'il s'est vendu une première fois, il n'hésitera pas à le faire une seconde fois. Donc plus de confiance. La pièce s'inscrit dans le terroir. Elle revêt un aspect folklorique. Cela la prive d'originalité et de valeur scénique. Il est à souligner que la pièce fonctionne comme un conte, une fable avec, au final, une moralité. Ancrée dans un imaginaire coloré qui fait appel aux légendes et au patrimoine populaire, la pièce manque en effet de recherche sur le plan théâtral. L'héritage culturel populaire récupéré – par le metteur en scène – est faiblement et insuffisamment développé ; et cette déficience apparaît dans le jeu qui, d'emblée, se révèle superficiel, trivial. Un jeu, en dépit des efforts de chacun des comédiens, qui reste très peu soigné. Il y a une attention – cela se ressent – d'agir intensément (et correctement) sur la scène – un effort à relever – mais d'avance peine perdue, parce que les conditions favorables à un pareil accomplissement sont absentes. D'autre part, la dramaturgie ne fonctionne pas : il y a un décalage entre le texte, c'est-à-dire les moments forts de la pièce, et la façon dont les comédiens s'emploient à dire l'histoire. La tragédie n'est pas pleinement exploitée ni proprement véhiculée au public. Elle échappe aux comédiens. Ce glissement atténue largement l'intensité de la pièce et la rend anodine. Le rythme, quant à lui, s'avère fastidieux. Un sentiment de lassitude s'empare de chacun au fil de la représentation. Cela rend le jeu fréquemment ennuyeux, déplaisant. Toutefois, si tout cela décourage le public, il se trouve que la scénographie, le décor, se présente comme une curiosité, une belle et intéressante curiosité théâtrale. La façon dont le décor (la scène est différemment imaginée d'une séquence à l'autre) est disposé sur scène confère à la pièce une certaine matérialité, donc une certaine signification scénique. La lumière notamment compense le déficit du jeu des comédiens. Elle suscite particulièrement de l'intérêt surtout au plan esthétique.