Les soirées de mercredi et jeudi ont été marquées par l'entrée en lice des théâtres régionaux d'Annaba et de Sidi Bel-Abbès. Chaque année, le Théâtre régional Azzedine-Medjoubi d'Annaba réussit à nous surprendre, à littéralement nous scotcher. Après avoir fait entrer un tank sur scène en 2008, l'an dernier, ce théâtre a planté l'action dans une décharge publique. Cette année encore, la surprise a été grande et le choc aussi. Il semblerait que le metteur en scène ait découvert la lumière, et il nous l'a montrée tout au long de la pièce, qui dure une heure et demie. Mise en scène par Abdelhamid Gouri et adaptée par celui-ci, d'après l'œuvre théâtrale, La Solitude des champs de coton, de Bernard Marie Koltès, Balawi el Sodaf met en scène trois protagonistes, qui se rencontrent, un soir, au hasard. Fidèle à l'approche littéraire du théâtre de Bernard Marie Koltès, qui utilisait beaucoup de monologues dans ses pièces, Abdelhamid Gouri a quasiment gardé la même structure, mais il est difficile d'en dire plus à propos de cette pièce, dont le dessein est difficilement cernable. C'est une parabole sur l'Algérie. Cette Algérie convoitée autrefois, meurtrie récemment, et qui se reconstruit aujourd'hui, non sans douleur. Outre leurs déplacements inopinés, les comédiens, Samia Tabbouche, Abdelhamid Gouri et Abdelhak Benmarouf, articulaient très mal le texte, déjà incohérent. La mise en scène a été un mélange improbable, avec un jeu sur les couloirs. La scénographie de Habbal Boukhari est modeste et sans grande originalité. Mais nous n'étions pas encore au bout de nos surprises. Jeudi passé, le Théâtre régional de Sidi Bel-Abbès, est entré en lice avec Moghri el-Noujoum. Une pièce de cinquante-cinq minutes, mise en scène par Hassan Assous et adaptée d'après des textes de Kateb Yacine, notamment Le Cadavre encerclé et Nedjma. La complexité de l'œuvre katébienne s'est confondue avec une mise en scène scolaire. Outre l'adaptation ratée de Kateb Yacine, la traduction de son œuvre vers l'arabe classique résonnait faux. Ce spectacle tant attendu du TRSBA n'est que la copie pâle de Noun, prix de la mise en scène au FNTP 2009. Dans Moghri el-Noujoum, il est question de l'Algérie. Ce sont des fragments de textes de Kateb Yacine, où se croise la petite histoire de la grande famille des Keblout avec celle de la grande histoire de l'Algérie. On retrouve le Keblout, le patriarche de la famille (Abdellah Djellab), l'emblématique Lakhdar (Abdelkader Jeriou), l'éternelle Nedjma (Khadidja Abdelmoula), la maman de Yacine (Dalila Nouar), qui a perdu la raison suite aux massacres du 8 Mai 1945, et Marianne qui représente la France coloniale (Nawal Benaïssa). Le rendement des comédiens sur scène n'a pas été à la hauteur de leur niveau, largement supérieur. De plus, le propos de la pièce est trop évident. C'est un simple hommage à Kateb Yacine, puisque la pièce, qui commence par l'extermination du peuple des Keblouti, n'actualise pas le propos de Yacine. Mais peut-être que le propos n'est pas actualisable ! Il n'y a pas non plus de projection dans l'avenir. Les vides de la mise en scène et la linéarité de l'adaptation n'ont pas été comblés, cette fois, par la scénographie. Et la question du rythme s'est réellement posée dans cette pièce, qui reprend la réflexion de Kateb Yacine par fragments. Le risque était très grand et le résultat laisse perplexe. Habitué à nous surprendre (dans le bon sens du terme), le TRSBA n'a été que l'ombre de lui-même.