L'ombre de Alloula, de Medjoubi, de Hasni et de bien d'autres artistes a plané sur la salle. La générale de El Boughatte, la nouvelle production du théâtre régional Azzedine Medjoubi d'Annaba a été donnée, jeudi, devant un public nombreux. Adaptée par Hamid Gouri du roman El Boughatte de Hamoudi El Bachir, et mise en scène par Djamel Marir, la nouvelle pièce du TRA se veut un hommage à tous les artistes qui ont payé de leur vie le courage de dire non à l'obscurantisme et la barbarie intégriste qui, pendant une décennie, a fait de l'Algérie une terre de violence et de haine. L'ombre de Alloula, «le tigre d'Oran», de Medjoubi, de Hasni et de bien d'autres artistes a plané, ce jeudi, sur la salle du TRA. El Boughatte nous fait revivre des moments de douleur que la bêtise humaine a imposés et fait subir à un pays et à un peuple pendant dix ans. Oser dire son mot, c'est-à-dire, dire non à la pensée rétrograde et à l'intolérance, à la négation de l'art et de tout ce qui fait la beauté de la vie, tel est le message que l'équipe du TRA qu'a dirigée Marir pendant des mois, veut passer tout en rendant un hommage aux Alloula, Medjoubi et autres victimes. «C'est le moins que l'on puisse faire», explique le metteur en scène qui avait à coeur ce projet, aujourd'hui, abouti. Plus qu'un travail, pour Marir, la réalisation de cette pièce est un devoir. El Boughatte raconte l'histoire d'un village investi par une horde d'intégristes qui prend la population en otage et sème la mort. Pendant une heure trente, on revit les moments dramatiques de cette «décennie rouge», qui est une page, on ne peut plus sombre de notre histoire que nous ont fait remémorer Toufik Memiche, Hamid Gouri, Abdelhak Benmarouf, Hassiba Zouainia, Kamel Rouini et quelques autres jeunes artistes. Si les comédiens du TRA ont déjà fait leurs preuves dans le métier, la comédienne Zouinia, Morajna dans la pièce, confirme, spectacle après spectacle, sa vocation d'artiste et son talent. Réalisée en plusieurs tableaux d'inégale valeur, il est vrai, la pièce gagnerait sûrement à voir l'ardeur de certains comédiens tempérée et leur jeu corrigé dans le sens de la modération et de l'assagissement pour donner plus de poids au personnage campé. D'ailleurs, ce sont les scènes où le verbe domine, qui font la force de la pièce pour ne pas dire la sauvent. La scène avec les deux enlevées, «butin de l'émir», évoquant leur sort, recèle une grande intensité dramatique. Sentiment valable pour la plupart des tableaux de la pièce.