«Plastek fi el djabana.» (ta place est au cimetière), ont l'habitude de dire les Algériens à toute personne jugée sans valeur ou qui n'a pas réussi dans sa vie. Mais la crise du logement a eu raison de la connotation péjorative de ce dicton, car nombreux sont les gens qui habitent effectivement dans les cimetières et qui côtoient les morts, jour et nuit ! Les raisons de ce phénomène sont différentes, crise de logement, absence et laisser-aller des autorités, des raisons historiques, etc . Pourtant, la culture des Algériens glorifie et honore la mémoire des morts. Avant, habiter dans un cimetière était considéré comme une insulte pour les morts, outre le fait que les Algériens (tout comme le reste des mortels d'ailleurs) croient aux superstitions et aux légendes d'outre-tombe. Alors comment ont-ils pu habiter à quelques mètres des tombes ? Cette situation est plutôt paradoxale. Mais comme dit le proverbe : «la pauvreté est mère de tous les vices». Une réalité approuvée par les propos de ce sexagénaire qui habite dans un cimetière «chrétien» à Aïn Benian à l'ouest d'Alger. «Depuis un certain moment, les mentalités ont changé. Aujourd'hui, en Algérie, il n'y a plus une grande différence entre la mort et la vie ! La mort est banalisée au point où on ne sait même pas que son voisin qui habite à quelques mètres n'est plus de ce monde. Il faut reconnaître que le terrorisme, qui nous a habitués aux massacres quotidiens durant une dizaine d'années, a fait de la mort une chose normale et banale. Alors pour moi, mieux vaut côtoyer les morts que les vivants… !», regrette âmi Ahmed, qui habite ce cimetière depuis 1967.