On parle souvent de la presse comme d?un quatrième pouvoir. Ceci est peut-être vrai dans les démocraties occidentales où existent réellement trois pouvoirs séparés : l?exécutif, le législatif et le judiciaire. On dit aussi «grande muette» par allusion à l?Armée qui, malgré sa grande puissance, s?interdit toute forme d?expression ou d?ingérence sur la scène politique. Transposés dans notre pays, ces concepts sont réellement absurdes, voire ridicules. Surtout lorsqu?ils sont évoqués par de pseudo-intellectuels. En Algérie, au fil des ans, des «révolutions», des alliances et des coups d?Etat qui ne disent jamais leur nom, il s?est formé à la tête de l?Etat une sorte de noyau brumeux et indéfinissable, mais qui a la réalité du pouvoir. C?est un système unique au monde en ce sens qu?il a réussi à articuler autour de lui toutes les apparences d?un Etat vraiment démocratique et à s?affubler d?institutions qui ne sont néanmoins que des oripeaux républicains. La réalité du pouvoir algérien a fait l?objet de spéculations tellement nombreuses, ambiguës et contradictoires que cela a fini par jeter le discrédit et le doute sur toute lecture et toute tentative de faire la lumière sur ces sphères d?influence supposées détenir les vrais leviers de la décision politique, dans ce pays qui se distingue par les nombreux leurres de façade démocratique, par la surenchère républicaine de pacotille et par des élucubrations oiseuses d?«observateurs» qui se disent avertis? Cabinet noir, mafia politico-financière, mafia des généraux, clan au pouvoir, décideurs, etc., sont autant d?avatars et de concepts d?une sorte de secte avec ses règles, ses rites, ses lois non dites et sa hiérarchie. Ses adeptes sont de grands initiés politiques qui savent, qui peuvent, qui font et qui défont. Ce n?est plus cette dizaine de généraux qu?on sert à toutes les sauces. Le cercle aux contours très flous s?est considérablement élargi à des milieux d?horizons divers et aux fonctions multiples, jusqu?à des sphères politico-financières étrangères, mais intimement liées à la prise de décision. La secte dispose de puissants et très malléables relais partisans, médiatiques, associatifs, tribaux, administratifs et sécuritaires, pour reprendre ce terme maintenant consacré. Le noyau et le c?ur battant de cette nébuleuse reste néanmoins assez restreint. Mais il est agité de dissensions. Malgré la volonté farouche de se maintenir au pouvoir, les grands initiés doivent maintenant lutter, pied à pied, non pas seulement contre des forces diverses et contraires qui leur disputent des parcelles du pouvoir, mais aussi les uns contre les autres.