«Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz-de-marée constitué par les millions d'êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie.» Houari Boumediene "(Discours à l'ONU 1974)" Il est bien connu que le quatrième pouvoir, celui des médias est une force importante qui permet, en principe, dans les démocraties, de tenir le peuple informé du fonctionnement des institutions. Cette force peut, cependant, être au service d'une cause et de ce fait, s'avérer dangereuse aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre, notamment «la guerre permanente» qui consiste à diaboliser continuellement l'Autre quand il s'est agi de l'Empire soviétique: l'Empire du Mal pour Reagan, et les Autres quand il s'est agi des colonisés et plus tard des Arabes et de l'Islam. Joseph Pulitzer, le fondateur d'un Journalisme éthique, déclarait à juste titre: «Notre République et sa presse prendront de l'essor ou s'effondreront ensemble.» Une presse compétente, désintéressée, dévouée à la chose publique, intelligente, exercée à discerner le bien et ayant le courage de le faire, peut préserver la morale publique sans laquelle un gouvernement populaire est une imposture et une parodie. Une presse cynique, mercenaire et démagogue finira par produire une population aussi vile qu'elle-même. Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique, pour sa part, pointe du doigts les grands protagonistes que sont les acteurs d'une mondialisation dimensionnée à la taille des plus riches. Ecoutons-le: «Contre les abus des pouvoirs, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. En effet, les trois pouvoirs traditionnels - législatif, exécutif et judiciaire - peuvent faillir, se méprendre et commettre des erreurs. Mais, dans les pays démocratiques aussi, de graves abus peuvent être commis (ce fut le cas aux Etats-Unis, durant plus d'un siècle, à l'encontre des Afro-Américains, et cela l'est aujourd'hui contre les ressortissants des pays musulmans en vertu du "Patriot Act"). Depuis une quinzaine d'années, à mesure que s'accélérait la mondialisation libérale, ce "quatrième pouvoir" a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir. Le pouvoir véritable est désormais détenu par un faisceau de groupes économiques planétaires et d'entreprises globales dont le poids dans les affaires du monde apparaît parfois plus important que celui des gouvernements et des Etats».(1) Matraquage médiatique Souvenons-nous justement, de ce matraquage des médias et plus précisément du cinéma. Cela a commencé dès les années 60: il fallait donner une assise au niveau des médias, la légitimité de l'Israël biblique. Ce fut, on s'en souvient d'abord, les Dix commandements de Cecil B. de Mille et de la Metro Golwyn Meyer dont les producteurs et réalisateurs sont juifs. Ce fut ensuite Ben Hur. Nous qui étions collégiens avons vibré à la détresse de Ben Hur, nous avons applaudi quand Moïse a sauvé son peuple... Naïfs que nous étions de nous identifier à ces héros. Avec le temps nous nous apercevons que rien n'était par hasard. La machine sioniste était en marche. En fait, l'histoire du racisme latent européen ne date pas d'hier. Souvenons-nous, à titre d'exemple, comment Lawrence d'Arabie interprété magistralement par Peter O Toole, le racé, le civilisé, le blanc aux yeux bleus, avait une aura tandis qu'Antony Queen dans le rôle d'un chef bédouin qui avait un comportement qui frisait celui de la bête avide de rapines, de bonnes chères et de luxure et qui, naturellement, ne connaissait rien à la politique. Dans le même ordre, le professeur Jack Shaheen (Université Sud-Illinois) analyse dans un documentaire comment Hollywood fait preuve d'imagination pour avilir l'image de l'Arabe. Le projet de société pensé et planifié par les «maîtres du monde» passe par un conditionnement sournois qui utilise l'industrie cinématographique, de longue date, comme arme de propagande. Ce documentaire, totalement inédit, passe à la loupe un des aspects les plus calomnieux de l'histoire du cinéma et que personne n'avait jamais osé contester depuis l'époque du muet jusqu'aux grandes productions hollywoodiennes d'aujourd'hui. Le film relève la longue succession d'images dégradantes qui ont été utilisées pour représenter les Arabes au cinéma. Des bandits bédouins aux jeunes filles soumises, en passant par les cheikhs sinistres et les terroristes armés, ce documentaire jette un éclairage dévastateur sur l'origine de ces portraits stéréotypés et sur leur apparition à des moments clés de l'histoire des Etats-Unis, démontrant du même coup les lourdes conséquences de cette représentation aujourd'hui.(2) Jack Shaheen montre comment, au fil des ans, la persistance de ces images a fait en sorte de banaliser les préjugés entretenus à l'égard des Arabes et de la culture arabe. «Depuis des décennies, Hollywood, c'est-à-dire le cinéma et la télévision américains, avilit et déshumanise les Arabes et les musulmans. Voilà pourquoi le drame palestinien reste entier depuis 60 ans, et pourquoi le public a consenti à l'invasion de l'Irak en 2003. Les préjugés contre eux sont antérieurs aux attentats du 11 septembre, bien que ceux-ci aient contribué à les diaboliser encore davantage.» Jack Valenti, longtemps président de la Motion Picture Association of America, disait que Hollywood et Washington ont les mêmes gènes. «Sur le Moyen-Orient, Hollywood a toujours collé aux choix politiques de Washington.» «Mais s'il est si facile de tuer, de torturer, de terroriser les Arabes, c'est que 1200 films recensés par moi les présentent soit comme des monarques lubriques, soit des voleurs, des tueurs et des menteurs, soit des terroristes sans foi ni loi, et souvent sans compétence.» Shaheen s'était fait connaître dès 1984 avec un livre, The TV Arab. Il s'est illustré par son combat contre l'empire Disney après la sortie d'Aladdin en 1992. La chanson d'ouverture de ce film d'animation parlait d'un pays «où l'on vous coupe les oreilles si on n'aime pas votre face», Disney a fini par enlever la chanson de la version DVD. Jack Shaheen reste optimiste malgré tout. On a déconstruit les stéréotypes négatifs qu'on avait sur les peuples autochtones, sur les Noirs, sur les Japonais, sur les Allemands. On finira par abandonner nos préjugés contre les Arabes et les musulmans. En incitant le spectateur à réfléchir sur les conséquences sociales, politiques et simplement humaines de ces caricatures hollywoodiennes, ce film souhaite faire reconnaître l'urgence d'offrir un point de vue opposé qui rendrait justice à la diversité et au caractère humain du peuple arabe, tout en faisant ressortir le vrai visage et la richesse de l'histoire et de la culture arabes.(2) Que Hollywood soit une arme de propagande massive, c'est pas nouveau, combien de westerns ont décrit les Amérindiens comme des êtres vils, impitoyables, tueurs et sans morale de gentils pionniers blancs, aucun doute la dessus, et aucun doute sur le fait que «l'Arabe» c'est le nouvel Indien. L'écrivain Alain Soral expliquait, lors d'une émission pourquoi le peuple américain était si profondément pro-israélien, et ressentait si peu de compassion pour les souffrances du peuple palestinien. Des colons fanatisés, des terres confisquées, des peuplades affamées et assoiffées, c'est le nouveau Far West...le Palestinien est juste le nouvel Amérindien avec un keffieh: à éliminer, comme dans les bons vieux westerns de John Wayne! Il n'est pas étonnant d'entendre des jeunes dire: «Je suis arabe et quand je regarde les films américains où il y a des Arabes, je me déteste!!!» La bataille par l'image Comme d'habitude, des acteurs pro-Israël font leur cinéma d'horreur, mais inexorablement la vérité finit par jaillir Le terrible massacre auquel s'est livré l'Etat sioniste contre la population de Ghaza [ lors du dernier épisode de janvier 2009] a fait réagir même les stars de Hollywood...Ils soutiennent de manière abjecte le massacre et appellent même à l'extermination des Arabes. Tom Cruise ravit la palme du déshonneur. En effet, le play-boy de Hollywood considère, ni plus ni moins, que les Arabes «sont la source du terrorisme et n'épargnent personne». Il souhaite, sauvagement, qu'Israël «les extermine tous». Richard Gere soutient que les Arabes «sont un fardeau pour le monde». Que propose-t-il? A l'image de ses compères, il décrète «qu'il faut les exterminer!». Harrison Ford ne fait pas exception à cette faune d'acteurs au verbe terrifiant. Pour lui, «les Arabes sont plus vils que les animaux», a-t-il affirmé toute honte bue. Et de fanfaronner que «nous les juifs sommes le peuple élu de Dieu». De même on apprendra que Steven Spielberg (auteur de Jurassic Park) soutient les crimes d'Israël. En août 2006, il a créé la Fondation des Justes et va donner un million de dollars pour soutenir Israël. Heureusement que ces propos partiaux ne sont pas partagés par le Tout-Hollywood. Loin s'en faut. L'élégant Mel Gibson, qui passe pour être la bête noire des juifs et des sionistes, avec son film sur Jésus, déclare: «Les Sionistes sont la source de la destruction. Je souhaite les combattre.» L'inégalable Al Pacino a liquidé Israël par cette petite phrase: «Si tu vois l'histoire d'Israël, tu sauras qui est terroriste!», assène-t-il, sec. Dustin Hoffmann, quant à lui, a prononcé une sentence sans appel contre Israël. «L'humanité a cessé d'exister à la naissance d'Israël», devait-il lâcher. George Clooney, qui n'a jamais caché son aversion pour Bush, et qui a bruyamment soutenu Obama, estime que «Bush, Sharon, Blair et Rice sont des noms que l'histoire maudira».(3) Patric Mougenet nous explique comment à travers les «actualités», la propagande pour valoriser la colonisation est mise en exergue. Dans un documentaire produit par Arte en 2001, Les trois couleurs de l'Empire, le projet colonial de la France en Afrique aux XIXe et XXe siècle est décrypté sans concession. Le mythe du soldat laboureur et l'oeuvre coloniale une image(rie) positive qui se fonde sur la comparaison entre un passé obscur d'une Afrique sans progrès et sans technologie, où «les tribus, hostiles les unes aux autres» vivant sur des «terres jadis infestées» traînent «une existence misérable» et un présent annonciateur d'un avenir radieux symbolisé par autant de «routes» de «ponts», de tramways, de bâtiments administratifs, d'écoles, ou de charrues et de tracteurs qui font désormais de ces terres des plaines «florissantes»(5) Les réalisateurs du documentaire d'Arte ont confronté ensuite ces extraits aux images d'archives privées, au texte lu de Tocqueville, tiré de ses Ecrits politiques de 1837, affirme que «nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, beaucoup plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle ne l'était avant de nous connaître». S'agissant de la «mission civilisatrice», on pourra faire observer que l'éducation est le fer de lance du «devoir» du civilisateur français (J. Ferry). Du début à la fin du documentaire, les enfants sont présents. On peut simplement rappeler qu'en Algérie 4,5% des enfants «indigènes» sont scolarisés dans le primaire en 1914, 8,8% en 1944. La situation de l'Afrique Noire française n'est guère plus enviable: 10-12% en...1955. (4) Enfin, le postulat de l'infériorité indigène et de la supériorité occidentale «race supérieure» et «race inférieure» se base sur une donnée prétendument naturelle et scientifique...et que la violence est le fait de l'Autre. Le documentaire rappelle que de 1877 à 1930 ce sont autant de «zoos humains», de «villages nègres», d'«expositions ethnologiques» qui s'offrent alors - derrière des grilles! - à un public métropolitain avide de curiosité et de distraction...Ces «spectacles» véhiculent des stéréotypes racistes et imprègnent durablement l'imaginaire des Occidentaux. Des stéréotypes physiques dévalorisants. Couleur noire sans nuance, épaisseur des traits, nez épaté, bouche lippue, yeux exorbités...sans cesse opposés aux traits raffinés du Blanc. De plus, la supériorité intellectuelle est mise en perspective, on remarque que dans les situations de dialogue entre un Occidental et un Maghrébin ou un Noir, la hiérarchie est filmée dans le but d'imposer l'image du savoir blanc face à l'ignorance africaine (doigt directif / Blanc surélevé / plongée et contre-plongée / celui qui explique et celui qui hoche la tête...). Enfin, la supériorité technologique. Dans les documentaires propagandes on peut remarquer que chaque fois que le chemin de fer et les routes-tous deux éléments essentiels de la propagande, développée par les gouvernements français - sont à l'image, la prise de vue favorise d'une part, les droites exagérées, donnant un aspect de gigantisme, privilégiant les lignes de fuite, et d'autre part, fait apparaître l'Européen à proximité. Il s'en trouve défini comme le propriétaire et le seul capable de maîtriser la technologie.(4) Probablement, on s'est éloigné un peu de l'image d'un universalisme qui, malgré la violence politique du XXe siècle, avait réussi à trouver sa traduction politique. La chute du mur de Berlin a substitué cet universalisme par quelque chose de plus dangereux et de plus grave: une vision communautaire du monde, ce qui a été appelé «l'ethnicisation des rapports sociaux». D'une certaine manière, écrit Pascal Blanchard: «La frontière tracée entre le visité et le visiteur par les zoos humains fonctionne toujours. Il y a Eux et Nous. (...) On peut se demander si le spectacle n'a tout simplement pas quitté le zoo pour mieux entrer dans nos maisons, via la télévision...Il y aurait toujours nous (l'Occident) et eux (l'ailleurs), la "civilisation" d'un côté et la "barbarie" de l'autre».(3) (*) Ecole nationale polytechnique (*) Ecole d´ingénieurs Toulouse 1.Ignacio Ramonet: Le cinquième pouvoir. Le Monde Diplomatique Octobre 2003 2.Jack Shaheen: Comment Hollywood villifie l'image des Arabes http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4273 30 octobre 2009 3.La guerre contre Ghaza vue d'Hollywood http://www.algerie-dz.com/forums/archive/index.php/t-45407.html 4.Patrick Mougenet. La colonisation démystifiée- lundi 27 janvier 2003