Récit n Elle va vers le petit, le traîne jusqu'au milieu de la pièce, mouille un linge et lui essuie le front. Dès que le vieil homme, armé d'une canne, s'aventure dans la rue, les enfants se mettent à crier et à lui jeter des pierres. — Au fou ! Au fou ! Un petit garçon, très maigre, s'interpose aussitôt entre l'homme et ses jeunes agresseurs. — Laissez mon grand-père tranquille, il ne vous a rien fait ! Il doit avoir six ou sept ans et agite ses petites mains osseuses comme pour protéger le vieil homme. Mais les enfants, faisant preuve d'une cruauté comme seul leur âge peut en éprouver, le prennent, à son tour, comme cible. — C'est le petit-fils du fou ! Il est fou, lui aussi ! Un caillou l'atteint au front et le fait saigner. Le petit a mal, mais il ne pleure pas et continue à défendre son grand-père. C'est alors qu'un homme arrive en courant et disperse les jeunes agresseurs. — Allez vous-en ! Vous n'avez pas honte de persécuter un pauvre malade ? Il prend le vieillard par la main et le force à le suivre. — Allons, père, je vous ai pourtant dit de ne pas sortir seul ! Et au petit garçon, qui maintenant s'est mis à pleurer : — Et toi, Hans, qu'est-ce qui t'a pris d'affronter ainsi cette horde de jeunes loups ? Tu n'avais donc pas peur de leurs coups ? — Si, dit l'enfant en pleurnichant, mais je ne pouvais pas les laisser maltraiter grand-père ! — Et tu as reçu un coup au front ! Le petit porte la main au front et regarde le sang. — Cela te fait mal ?, demande son père. — Non, dit le petit héroïquement. On arrive à la maison. C'est un misérable logis d'une pièce où une femme lave le linge. — Entre père, entre ! La femme se retourne. — Ton père a encore fait des siennes ! Elle aperçoit le petit Hans et pousse un cri. — Mon Dieu, il est blessé ! — Ce n'est rien, dit l'homme. Hans a reçu une pierre en voulant défendre son grand-père contre les vauriens qui le poursuivaient ! Elle va vers le petit, le traîne jusqu'au milieu de la pièce, mouille un linge et lui essuie le front. L'homme, lui, gronde le vieil homme qui ne semble pas comprendre ce qu'il lui dit. Il pousse parfois des ricanements mais son regard semble vide. — Il va falloir le remettre à l'asile. — Je l'y conduirai demain en reprenant mon service, dit la femme. Elle s'occupe de nouveau de son garçon. Un garçon qui s'appelle Hans, Hans Christian Andersen, qui, dans quelques années, deviendra l'un des plus grands conteurs du monde. (à suivre...)