Terreur n Glacée de peur, elle essaye de gagner du temps en disant n'importe quoi. Je vais faire des courses à Blida ! occupe-toi du ménage, je ne resterai pas longtemps, d'ailleurs ton père Boualem va arriver ! Kheira sort, tenant son couffin, couverte de son haïk blanc négligemment retenu sur le haut de la tête. Elle disparaît au tournant de la rue et Meriem la regarde partir avec un pincement au cœur. Elle referme la porte de leur petit logis, non sans avoir jeté, comme à son habitude, un coup d'œil à droite et à gauche, balayant du regard la rue qui se perd au loin dans les champs d'orangers qui entourent le petit village de Chebli. «Ton père Boualem va arriver.» Cette seule phrase suffit pour remplir le cœur de la fillette de terreur, car Boualem, le second mari de sa mère, un ouvrier qui s'était hâté de prendre la place de son père Khelifa, quelques mois seulement après son décès, ne cesse de la poursuivre de ses avances. Un jour, attirés par les cris de Meriem, les voisins, se doutant du manège de la brute, avaient fait irruption dans la cour où la jeune fille s'était réfugiée et avaient administré à Boualem une sévère correction à coups de bâton. Kheira, mise au courant, s'était contentée de ne plus adresser la parole à ses voisins et le calvaire de Meriem continue. Cinq minutes après le départ de sa mère, Meriem entend la clé tourner dans la serrure et Boualem entre, l'air irrité comme à son habitude, mal peigné sentant l'alcool de bon matin. —Ta mère est-là ? Meriem ne répond pas, et évite de le regarder, feignant de ranger le petit buffet de vaisselle. —Hé, je te parle ! Où est ta mère ? —Elle est dans la douche ! dit-elle, glacée de peur, essayant de gagner du temps. L'homme se dirige vers le couloir et Meriem se précipite dans la chambre, sort par la fenêtre et se sauve à toutes jambes le long de la rue, laissant ses quatre frères et sœurs jouer dans la cour... —Mais... tu es Meriem ! Que fais-tu là ? La femme entre deux âges, bien mise et maquillée, s'approche de la fillette, en faisant tournoyer les clés de sa villa entre ses doigts. —Je te reconnais, continue-t-elle tu es venue une fois chez moi pour aider ma femme de ménage. Que fais-tu là ? Pourquoi n'es-tu pas à la maison ? Ta mère a certainement besoin de toi ! Allez rentre chez toi ! Et elle se dirige vers le perron de sa maison. — Madame, dit Meriem sur un ton désespéré, gardez-moi chez vous ! Je me suis enfuie à cause de Boualem... J'ai peur... Je ne retournerai jamais plus dans la maison de mon père. Intriguée, la femme la fait pénétrer dans sa cuisine, la fait asseoir et essaye de la calmer. —Bois un verre d'eau, ma fille, et raconte-moi tout ! (à suivre...)