Elles sont là, assises sur les bancs, leur enfant dans les bras ou à côté d?elles. Des femmes amenant leurs petits au service des urgences pédiatriques, il en vient chaque soir par dizaines. Dans la salle d?attente, se côtoient la maladie, l?angoisse et la patience forcée. Une soirée, censée ressembler aux autres, change subitement pour se transformer en une nuit d?inquiétude. «Mon fils souffre de coliques et il a beaucoup de fièvre», nous apprend une jeune mère qui vient d?arriver tenant son bébé, anxieuse parce qu?elle «ne sait pas ce qu?il a». Elle balaie la salle d?un regard et comprend, au vu du nombre de personnes qui l?ont précédée, qu?elle en aura pour longtemps ici. «Le médecin est là, il en a déjà ausculté quelques-uns», la rassure une autre femme. «Vous parlez de soirées du ramadan ! Déjà que nos sahrate sont fades, alors que dire de ce soir où j?ai dû tout laisser tomber pour amener mon enfant», nous dit cette dernière dont le fils souffre, lui aussi, de diarrhée et de fièvre. Un couple arrive avec un bébé de quelques mois. Déshydraté, celui-ci est hospitalisé sur-le-champ. La maman se met à pleurer dès l?instant où son petit lui est retiré par une infirmière pour être emmené dans la chambre où il va séjourner pendant un certain temps. Le père, plus courageux, nous explique que son fils vomissait après chaque tétée à tel point qu?il n?a plus que la peau sur les os. «Elle est doublement inquiète parce que nous avons laissé seuls nos autres enfants», explique-t-il à propos de son épouse, comme pour l?excuser. Se rendant compte que des parents sont là pour voir leurs petits hospitalisés, cet homme, qui a fui son village pour venir habiter une banlieue d?Alger, rassure sa femme en lui apprenant qu?ils pourront venir chaque soir. Certains sont venus en famille. Ne pouvant servir de baby-sitter à la maison puisqu?il doit accompagner la maman, le père surveille sur place les autres enfants. La porte s?ouvre à chaque fois pour laisser le passage à de nouveaux arrivants, mais aussi au froid. Dans le couloir trône une machine à café que tout le monde semble bouder. Pour partager leur peine et tromper leur angoisse, des femmes discutent, font leur propre diagnostic, puis s?en remettent à la médecine. Il n?est que 21 h30, la soirée s?annonce longue.