Une très forte délégation française représentant tous les métiers du cinéma est à Alger, depuis hier soir, pour trois jours de rencontres et de débats. Au menu de ces journées, la première mise en application de l'accord de coopération et de coproduction cinématographique signé entre les deux pays. Relance du cinéma. Ce serpent de mer de la politique culturelle algérienne semble refaire surface depuis quelques semaines. Pour de bon, cette fois ? Peut-être, au vu d'une certaine vigueur retrouvée par le 7e art, vigueur symbolisée par le déluge de prix emportés par un film, un seul, Mascarade de Lyes Salem. Parallèlement à ce vrai succès public, critique et institutionnel, et à la progression des travaux de rénovation des salles de cinéma (Afrique, Sierra Maestra à Alger, mais aussi à travers le pays, à Sidi Bel-Abbès, etc.), des accords de coopération internationaux, nettement plus techniques, mais très importants ont été signés (Syrie, Italie, UMA) ou viennent d'être ratifiés. Et notamment celui avec la France, premier partenaire du 7e art algérien. En effet, sur les 20 derniers films qui ont été produits ou coproduits par l'Algérie, dans le cadre de manifestations internationales (“Alger, capitale de la culture arabe”, et “rattrapage” des projets de “2003, année de l'Algérie en France”), près des 2/3 ont également profité – à diverses hauteurs – de financements français. Mais sans pour autant bénéficier de tous les avantages liés à cette association. C'est dans ce contexte qu'un accord ambitieux – ratifié il y a quelques semaines, mais dans les cartons depuis longtemps –, devrait être “mis entre les mains des professionnels algériens”, à l'occasion des Journées cinématographiques algéro-françaises qui se tiennent du 4 au 6 décembre au Palais de la culture. Cet accord, historique, est un protocole complet : il ne concerne pas uniquement la coproduction, mais établit une coopération au sens large dans tous les secteurs connexes : exploitation, distribution, formation, valorisation des archives, diffusion… Un aréopage d'une trentaine de personnalités du cinéma français représentant tous ces volets devrait ainsi faire le déplacement, entre institutionnels, producteurs, distributeurs, formateurs et cinéastes. Khalida Toumi, ministre de la Culture, accueillera ainsi aujourd'hui, en tête de la délégation, Véronique Cayla, directrice générale du Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (CNC), accompagnée par quelques-uns de ses cadres exécutifs, Jacqueline Ada, Boris Todorovitch ou Roland Husson, mais aussi Gilles Renouard, patron d'Unifrance (organisme chargé de la promotion des films français à l'international), Frédéric Brillon, producteur, Sophie Lemoine, exploitante, David Hivet de l'Institut national de l'audiovisuel (chargé des archives), Pascale Borenstein de la Femis (ex-IDHEC, plus célèbre école de cinéma française), et Mehdi Aït Kacimi de l'Ecole Louis-Lumière de Lyon… Ils auront en face d'eux, lors d'ateliers dédiés, de très nombreux intervenants algériens dont, notamment Abdelkrim Aït Oumeziane, patron du CNCA algérien, Sid-Ahmed Benkemla, directeur du CAC, des experts du ministère de la Culture, comme Ahmed Bedjaoui, les réalisateurs Lamine Merbah et Belkacem Hadjadj, Baya El-Hachemi, ou le réalisateur-producteur Boualem Aïssaoui (président de l'AVA)… Cette manifestation, inédite par son ampleur, accueillera également des cinéastes, même si “l'objectif principal de ces journées n'est pas de montrer des films, mais de monter des projets, de travailler ensemble”, comme le précise Ahmed Bedjaoui, figure éminente du cinéma algérien. Trois œuvres devraient quand même être projetées : le désormais emblématique Mascarade, de Lyes Salem (vendredi, à 19h, au Mouggar), mais aussi La Maison jaune d'Amor Hakkar, inédit en Algérie (samedi, 18 heures, même salle, en présence de l'auteur) et Musée haut musée bas de Jean-Miche Ribes (jeudi, 19h, même salle, en présence de l'auteur). Que peuvent attendre de concret les hommes de cinéma algériens de ce “grand raout” algéro-français ? Des contacts, des explications, notamment concernant le dispositif très complet et très complexe système d'aide au cinéma français. Mais aussi et surtout pour leurs films de bénéficier enfin de tous les avantages liés à cet accord : un film produit à hauteur de 20% par l'Algérie (soit de 200 000 à 400 000 euros pour un projet moyen) bénéficiera en France, mais aussi dans toute l'UE des quotas (cinéma, mais aussi télévision) mis en place pour les films européens, ainsi que de toutes les aides à la distribution, à l'exploitation, pourra figurer dans les plate-formes de droits pour les marchés internationaux… les avantages sont immenses. Et faire des films pourra peut-être un jour être rentable en Algérie. À la condition que, en parallèle, les efforts de densification du réseau de salles existant, par la réfection, mais surtout par la construction de nouveaux lieux de cinéma, les fameux multiplexes atteignent leur rythme de croisière. R. Alik