Ils découvrent, ici, un autre sable que celui auquel ils sont habitués : celui des plages. Et certains ont plongé dans la grande bleue avec un émerveillement bien compréhensible. Ils sont venus du Grand Sud découvrir la grande bleue pour la première fois de leur vie. Le voyage, sous une chaleur étouffante, aura duré trois jours et trois nuits. Mais les 1 700 kilomètres par bus ne les a pas dissuadés. Ni d'ailleurs les pannes de moteur, les crevaisons… le tout sans climatisation. «Je savais que le voyage serait très dur, mais mon rêve de découvrir et de voir avec mes propres yeux ce que j'ai appris en cours de géographie était le plus fort», raconte Abdelmalek, un enfant targui âgé de dix ans. Ce bambin, armé d'espoir et de volonté, puisés de ses aïeuls, fait partie d'un groupe de plus d'une centaine d'enfants qui se sont déplacés du Sud algérien pour séjourner au Centre des enfants non voyants d'El-Achour (Alger), se baigner dans les plages et visiter les sites touristiques et historiques de la capitale. Les petits gamins du Grand Sud ont, ainsi, effectué un pénible voyage vers El-Bahdja. «Je ne voulais pas voir le sud et l'intérieur du pays au cours du voyage. J'ai gardé les yeux fermés jusqu'à notre arrivée à Blida. J'ai aperçu un grand écriteau ; la ville des Roses vous souhaite la bienvenue. C'était Blida et j'ai su que la capitale n'était pas loin…», témoigne Mohamed, Targui également. «J'étais le premier à savoir que nous étions arrivés à Alger. J'ai crié à haute voix ; tahia el-assima», se félicite, pour sa part, Merouane, 11 ans, dont le rêve de voir Maqam Echahid le «hante» depuis cinq ans. «Il n'arrête pas de me demander le jour programmé pour la visite de ce site. Il me pose la question plusieurs fois par jour. Les autres veulent se rendre au stade du 5-Juillet et au musée du Bardo… Ils sont impatients et veulent visiter tout dans la même journée», souligne Mohamed, enseignant de musique et encadreur de la colonie. Les enfants se vantent de ce qu'ils ont vu dès leur arrivée à Alger. «Moi ,j'ai vu les bâtiments, le goudron, beaucoup de voitures, j'ai tout vu», clame Abdelkader. Son ami Merouane l'interrompt : «Moi, j'ai vu les hôtels, la police, les arbres… et c'est moi qui t'ai montré ce que tu as vu toi.» Un semblant de rivalité entre ces enfants avides de découvrir les atouts et les secrets de la capitale. En somme, ces «innocences sahariennes» ont vite oublié la souffrance du grand périple. La joie et la détente s'affichent sur leurs petits visages. Leurs yeux n'arrêtent pas de papillonner pour capter le maximum d'images et les sauvegarder dans leur fraîche mémoire. «Ma petite sœur m'a chargé de lui raconter tout ce que je vais découvrir à Alger, elle qui n'a pas eu la chance de se déplacer avec moi en raison de l'indisponibilité de place», professe Imène, caressant ses longues tresses qui lui tombent sur le visage. Ces enfants souhaitent avoir une chance de «monter» au nord du pays chaque été, ce qui n'est malheureusement pas à leur portée. Convaincu qu'il ne reverra plus Alger, Abdelmalek prend un stylo et une feuille. Il commence à rédiger son journal… A.H.