Portrait n L'avènement du ramadan est une aubaine pour Moustapha. Adepte du système D, ce père de 4 enfants se sent revivre dès que le mois sacré se profile à l'horizon. Infatigable, il traque tout ce qui est promotion, tombola, cadeaux, offres spéciales. C'est un «Indiana Jones» des coupures d'emballages, tickets et autres capsules de bouteilles. Simple salarié dans une entreprise privée, il sait comment arrondir ses fins de mois. Les marchés de Laâqiba, Oued Kniss et El-Harrach n'ont aucun secret pour lui. En plus d'être un bon négociateur en quête de bonnes affaires, il aime le jeu. Amateur de loto sportif, des jeux de grattage et de collecte des tickets de promotion, il a fait de cet «art» une occupation solitaire et presque quotidienne. Pour le ramadan, Moustapha a beaucoup à faire. «Il y a beaucoup de bonnes affaires», déclare-t-il. Pour cette raison, le père de famille de 48 ans mobilise les siens. En bon stratège, il les a rassemblés en affectant à chacun d'eux un rôle précis dans sa quête. «A chacun son domaine. Ma femme a pour tâche de suivre les programmes de l'Entv pour l'annuel concours de ramadan. Mes enfants doivent rassembler les tickets d'emballages de certaines marques. Et moi, je suis à l'affût de tout ce qu'il y a de nouveau. Et le soir, nous nous rassemblons autour de la table pour faire l'inventaire», raconte-t-il hilare. Même si cette véritable obsession de Moustapha à jouer ne lui a pas rapporté gros jusqu'à présent «quelques broutilles, des T-shirts, un ballon, des verres…», il ne perd pas espoir pour autant. Son exemple, il le tient d'un voisin qui a la chance de rouler à bord d'une Golf dernière génération qu'il a gagnée à une tombola organisée par un célèbre producteur de margarine. Ou alors, de son cousin qui a réalisé le rêve de sa mère en lui offrant une omra «aux frais de la princesse». «Je ne désespère pas. Je sais qu'un jour, à mon tour, je remporterai le gros lot. D'ailleurs, comme le dit si bien une publicité pour le loto français, 100% des gagnants ont tenté leur chance. Et moi, je n'arrêterai de la tenter que lorsque je gagnerai», explique-t-il. Pendant le ramadan, Moustapha n'a pas que cette manie. Dépendant de la caféine et de la nicotine, il ne tient pas en place. «Dès que je me lève –vers 14h –, dit-il en plaisantant, je cours faire le tour des marchés d'Alger, non pas pour faire des affaires comme à l'accoutumée, mais pour faire des emplettes. J'achète la zlabia de Boufarik à Boufarik, le pain chez un boulanger au Ruisseau, pour les diouls, je connais un commerçant à Hussein-Dey. Tout ce qui est gâteau et pâtisserie c'est à Kouba», et notre homme, parti dans une véritable «transe» digestive, citera encore une dizaine d'endroits spécialisés dans la préparation et la vente d'aliments. Rien que d'y penser, on voit les lèvres de Moustapha, pourtant moustachu, tenter de retenir un filet de salive qui manque de jaillir d'une bouche pâteuse. Rappelons quand même que le cas de Moustapha n'est pas unique en Algérie, ils sont même des milliers. Pour le vérifier, il suffit de suivre un automobiliste un peu nerveux pendant ce mois.