Résumé de la 110e partie n Affalé dans la Volkswagen, Renard épia l'homme et le vit claquer le coffre, soulever sa valise et se diriger vers l'arrêt pour prendre la navette et s'éloigner. «Est-ce que je peux vous aider, madame ? C'est pas facile pour vous, mais c'est mon boulot. Je suis garagiste…» L'inquiétude avait disparu du regard. «Oh ! formidable !... avait-elle dit. Je ne vous cacherai pas que j'étais un peu anxieuse... Ce n'est pas un endroit pour crever.» Il ne lui avait pas jeté un seul regard ; il ne s'était occupé que de la voiture, comme si elle n'existait pas, comme si elle avait neuf cents ans. «Vous avez attrapé un morceau de verre, c'est pas grave.» Rapidement, sans effort, il avait changé le pneu. Moins de trois minutes. Aucune voiture dans les environs. II s'était relevé. «Combien vous dois-je ?» Son portefeuille ouvert, son cou penché, sa poitrine qui se soulevait et s'abaissait sous le manteau de daim. De la classe. Quelque chose en elle le disait. Pas une petite effarouchée comme Jean Carfolli, pas une vieille sorcière outragée comme Weiss, juste une belle jeune femme qui lui était très reconnaissante. II avait tendu la main pour toucher sa poitrine. La lumière avait d'abord gagné l'arbre de l'autre côté de la route, elle oscillait, les éclairait tous les deux. Une voiture de police. II apercevait le gyrophare. «C'est trois dollars pour changer la roue, avait-il prononcé très vite. Et je peux vous réparer le pneu crevé, si vous voulez.» II avait remis sa main dans sa poche. «Je m'appelle Arty Taggert, j'ai un garage à Carley, rue Monroe, à environ deux kilomètres du bar du Mill Tavern.» La voiture de flics s'avançait, s'approchait d'eux. L'officier de police était descendu. «Tout va bien madame ?» Le regard qu'il lançait à Arty était très bizarre, très soupçonneux. «Oh ! très bien, monsieur l'agent ! C'est une chance. M. Taggert habite non loin de chez moi et il passait juste au moment où j'ai crevé.» Elle faisait comme si elle le connaissait. Le coup de pot ! L'expression du policier avait changé. «C'est heureux pour vous d'être tombée sur un ami. Ce n'est pas très sûr pour une femme seule dans une voiture en panne, ces temps-ci...» Le flic était remonté dans la voiture de patrouille, mais continuait de les observer. «Pouvez-vous réparer mon pneu ? avait-elle demandé. Je suis Nina Peterson, nous habitons Driftwood Lane. — Bien sûr. Avec plaisir.» II était monté dans sa voiture, indifférent, l'air naturel, comme s'il ne s'agissait que d'une petite réparation sans importance, ne dévoilant pas qu'il devait la revoir. II lisait dans, son regard qu'elle était désolée de l'arrivée intempestive du flic. Mais il fallait ficher le camp avant que celui-ci se mette à penser à Jean Carfolli et à Mme Weiss, avant qu'il ne demande : «C'est dans vos habitudes de venir en aide aux femmes seules, monsieur ?» Aussi s'était-il éloigné rapidement et le lendemain matin, au moment même où il songeait à l'appeler, elle avait téléphoné. «Mon mari vient de me passer un savon parce que je roule avec la roue de secours», avait-elle dit, et sa voix était chaude, amicale et amusée comme s'ils, partageaient une plaisanterie. «Quand puis-je récupérer mon pneu ?» (à suivre...)