Histoire n Le colloque sur «les Disputes» du philosophe catalan, Raymond Lulle contre les ulémas, au Moyen Age s'est ouvert, hier dimanche, à l'université de Béjaïa. Raymond Lulle, considéré comme «le précurseur de la pensée orientaliste», joua un rôle prépondérant dans le rapprochement des deux rives, en contribuant à la création de chaires d'arabe dans nombre d'universités européennes, l'ouverture du Collège d'études orientales de Miramar et en soutenant l'intérêt de la connaissance du monde musulman et arabe. «Après qu'il a fait le choix de consacrer à Dieu toutes ses forces, sa vie tout entière est saisie par la passion d'établir une relation entre les deux rives. Il est clair qu'il a voulu convertir l'autre, ou le vaincre par l'argumentation. Mais au moins, pour lui l'autre existe, l'autre est digne d'attention, l'autre mérite que l'on risque sa vie pour lui», relèvera dans son message, l'archevêque d'Alger, Monseigneur Henri Tessier, qui n'a pu rejoindre Béjaïa pour des «considérations majeures». Philosophe, théologien et alchimiste, Raymond Lulle, né en 1235 à Palma de Majorque, est surtout connu pour son œuvre mystique et théosophique abondante, conçue dans le but de privilégier la concorde des trois religions monothéistes, soutenant principalement leur harmonie et leurs valeurs universelles. Mais il était mû essentiellement par l'ardeur de convertir les musulmans et les juifs à la vérité de la trinité, allant dans son prosélytisme, jusqu'à susciter de fortes controverses avec ses contemporains du Sud. «Les ulémas ont répondu au défi, mais ils ont refusé l'idée de la trinité», tranchera Salah Baizig de l'université de Tunis. Et de souligner : «Raymond Lulle a été encouragé dans son emprise par le contexte de l'époque, marqué par l'ouverture d'esprit des princes Hafsides, qui ont permis alors la liberté du culte et autorisé la construction des églises aux minorités européennes, commerçants et milices...» «Il n'est pas un modèle pour notre temps, quand il polémique avec les musulmans comme il le fit à Bougie en 1306 et peut-être en 1315. Mais il est un signe de notre époque quand il se passionne pour la rencontre avec l'autre, particulièrement avec son interlocuteur musulman du sud de la Méditerranée», opinera, Monseigneur Tessier. Le colloque est axé sur une réflexion profonde sur les rapports entre l'histoire et l'actualité, en prenant pour point de départ, selon le professeur Aïssani, «les liens étroits qui, à l'époque des disputes, se tissaient déjà entre les deux rivages méditerranéens en matière scientifique, culturelle et commerciale, malgré la diversité des cultes et les rapports de forces en présence». La rencontre, initiée par l'association Géhimab de l'université de Béjaïa en collaboration avec l'Institut européen de la Méditerranée (Barcelone), et l'Institut des études sur les Baléares (Palma de Majorque) intervient dans le cadre de la célébration mondiale du 700e anniversaire de ces Disputes.