Béjaïa, Barcelone et Palma de Majorque furent des cités multiculturelles où s'est réalisée une synthèse des cultures méditerranéennes. Après Alger, Barcelone et Palma de Majorque, la ville de Béjaïa abrite depuis le lundi soir un colloque sur la célébration mondiale de «la disputatio» de Lulle avec les uléma. Cette rencontre organisée par l'université Abderrahmane-Mira et l'association Gehimab, en collaboration avec l'Institut européen de la Méditerranée (Barcelone) et l'Institut des études sur les Baléares (Palma de Majorque) a été placée sous le thème «De la voie eurafricaine Barcelone -Palma de Majorque- Béjaïa à l'interculturalité méditerranéenne aujourd'hui». Cette manifestation culturelle se veut un espace pour amorcer une réflexion sur les rapports entre l'histoire et l'actualité. En présence du recteur de l'université de Béjaïa, du wali et des représentants des universités catalanes, l'inauguration de ce colloque a été faite par le Dr Chikh Bouamrane, président du Haut Conseil islamique. Absent pour des raisons protocolaires, Mgr Henri Tessier archevêque d'Alger, a adressé un message aux participants, lu par le Pr Djamel Aïssani, président de l'association Gehimab. La civilisation méditerranéenne d'aujourd'hui est le résultat d'un processus complexe, construit au cours des siècles par l'ensemble des pays de la mer commune. Béjaïa, Barcelone et Palma de Majorque furent des cités multiculturelles où s'est réalisée une synthèse des cultures méditerranéennes. Il y a 700 ans, Béjaïa rayonnait sur la Méditerranée. Ville d'art, de culture et de science, elle a eu le privilège d'abriter une forme de dialogue des civilisations à travers un événement entré, depuis, dans l'histoire islamo-chrétienne. Il s'agit des fameuses «disputes» de 1307 entre le philosophe Raymond Lulle et les Uléma de Béjaïa. Savants embrassant tous les domaines de la connaissance humaine et étudiants avides de savoir s'y sont rencontrés. A l'époque, l'enseignement relevait de l'église. Béjaïa assumait parfaitement son rôle de centre de contacts et d'échanges, et c'est ce qui va contribuer pour l'essentiel à la transmission du savoir. Pour reprendre géographes et érudits, Béjaïa était un interface entre le Maghreb et l'Europe qui a abrité un dialogue inter-religieux. Hospitalière et tolérante, pendant que l'Europe cultivait encore obscurantisme et esprit de croisade, Béjaïa vivait au XIIIe siècle une ouverture sur toutes les religions sur fond d'un dialogue permanent entre elles. Naquirent alors des idées novatrices à partir des discussions métaphysico religieuses. C'était à cette époque que le philosophe catalan Raymond Lulle arrive à Béjaïa pour étudier les mathématiques avant que ne survienne l'histoire des «disputes» en 1307. «La disputatio» ou dispute, une série de déclamations et de joutes philosophiques avec les Uléma de la ville déclenchée par la fameuse déclaration du Catalan selon laquelle «la loi chrétienne est la seule vraie, sainte, unique et agréable à Dieu. La loi de Mohamed est erronée et je suis prêt à le démontrer». S'ensuivirent alors «les débats» avec les Uléma. Lulle a pu, toutefois, travailler, étudier, échanger en toute liberté à Béjaïa.