Révéler l'abus sexuel, point de départ de toute une procédure ultérieure, demeure une phase cruciale pour l'enfant et une dure réalité pour les parents. Etant incertain de la réaction de la famille, pris par la peur d'être lui-même culpabilisé, incompris, voire soupçonné de fabulation et de mensonge, l'enfant choisit le plus souvent le silence, dans l'incompréhension du comportement de cet adulte. Tout un éventail d'arguments qui fait que l'agresseur bénéficie d'une liberté inconditionnelle d'où le rôle des parents qui sont en contact permanent avec leurs enfants d'observer tout changement d'attitude ou signes suspects. Le premier constat fait par Mme Nabila Sakhri, professeur à l'institut national de la magistrature, est que, dans ce contexte, «l'agression sexuelle est le résultat ou l'effet de proches de la victime». Et la protection des proches a «imposé la loi du silence, mais également pour contrecarrer l'enfant pervers, terme trop souvent usité dans le vocabulaire des professionnels, au lieu d'«enfant martyr», déplore-t-elle. Le deuxième constat est que l'agresseur est, généralement, quelqu'un qui a une certaine autorité sur l'enfant et en contact direct ou indirect avec lui. «Il peut être un parent, un voisin, un enseignant, un directeur d'école, un imam, le patron du magasin du quartier… », selon notre juriste. La plupart de ces cas se traitent à l'amiable, relève Mme Sakhri, et ne sont connues que les affaires où les personnes concernées déposent plainte. «La parole de l'enfant victime n'a aucun poids devant la parole de l'adulte, et généralement, l'enfant se rétracte devant la pression des parents», révèle-t-elle. Pis encore, lorsque l'agresseur se révèle être le père, la mère étouffe l'affaire et ne laisse aucune chance à l'enfant de dénoncer son violeur. Drôle de façon de préserver son foyer au détriment de l'enfant agressé. Le «mythe de l'enfant pervers n'a pas évolué d'un pouce, l'enfant victime est toujours celui qui a provoqué l'adulte, ce qui explique les faits. Et la fille agressée est toujours coupable».