Remords En ce 4 décembre 2003, Toufik, 37 ans, célibataire, bel homme aux yeux noirs, pleure, comme un enfant, au box des accusés. En juillet 2001, il avait tué sa mère et s?était constitué prisonnier. Le jeune Toufik plaide, certes, coupable, mais il dit avoir agi pour «laver l?honneur de la famille». La tragédie a eu lieu en cette terrible journée du 12 juillet. Ce jour-là, Samia, sa mère, est seule à la maison, son mari est en voyage d?affaires. Comme chacun des occupants de la maison possède sa propre clé, Toufik introduit la sienne dans la serrure et ouvre la porte. Mais, surprise, il se retrouve nez-à-nez avec Ahmed, son copain, éméché et nu comme un ver. Terrorisée, Samia se met à hurler et à gesticuler, tentant d?expliquer cette scène surréaliste. «Je dormais, dit-elle, quand j?ai entendu du bruit dans la cour et avant que je ne puisse faire le moindre pas, je vis Ahmed près de moi. Ivre, il s?est tout de suite déshabillé et a tenté de m?agresser physiquement, j?ai poussé des cris dans l?espoir d?un éventuel secours.» Toufik ne dira rien? mais il est sûr qu?il ne pouvait plus supporter la situation surtout qu?autour de lui, les insinuations et les mots déplacés à son encontre ne s?arrêtaient plus, rendant son existence invivable. Il lui était de plus en difficile de rencontrer ses amis, il ne pouvait même plus regarder les gens en face, il n?en pouvait plus. C?était, dit-il, l?enfer qu?il devait endurer quotidiennement. Lors d?une première comparution, Toufik avait été condamné à 15 ans de prison ferme. Juste après cette sentence, la défense dépose un pourvoi en cassation et l?affaire a été rejugée le 4 décembre lors de la session criminelle du tribunal d?Alger. Expliquant comment il avait procédé, l?accusé a avoué avoir fait croire à sa mère et à sa s?ur qu?il avait oublié ses papiers et qu?il devait les récupérer. En réalité, il n?en était rien, il est retourné à la maison, décidé à passer à l?acte. Toufik pénètre dans la chambre de son frère policier, s?empare de son arme et se dirige tout droit vers sa mère. Il tire jusqu?à vider son chargeur. Il déclare, par ailleurs, que la simple vue de l?arme de son frère l?a incité à s?en servir. «Je ne savais même pas sur qui je tirais. J'étais comme dans un état second, je n?étais plus maître de mes gestes. Tout se brouillait et ma tête me faisait terriblement mal.» Appelé à la barre, Ahmed se rétracte et nie sa liaison avec Samia, déclarant que ce jour-là, son état d?ébriété lui a joué un mauvais tour. Prenant la parole, le représentant du ministère public tente de relever les contradictions dans les déclarations de l?accusé en insistant sur le rapport d?expertise médicale qui ne fait mention, à aucun moment, d?une quelconque maladie mentale ou autres. A la fin de son intervention, le procureur de la République requiert la peine capitale. Lors des délibérations, le jury, tout en tenant compte des circonstances atténuantes, condamne Toufik à 20 ans de réclusion criminelle et Ahmed à 3 ans de prison ferme. Le plus choqué dans toute cette histoire c?est bien le mari trompé qui n?arrive toujours pas à croire l?amère vérité. Il souffre doublement, non seulement de la trahison de sa femme, mais aussi de perdre, dans des circonstances aussi tragiques, épouse et fils.