Repère Parmi les écrivains et artistes ayant tenu à visiter notre pays, l?histoire retiendra le nom d?Eugène Fromentin. Même si celui-ci n?a pas manqué de relater, dans ses recueils, l?aspect ignoble et grotesque qu?il a relevé durant son voyage dans la région des Hauts-Plateaux, il a été néanmoins surpris par le comportement qui caractérisait les militaires français, plusieurs mois après la prise de la ville de Laghouat. Il était arrivé six mois après la chute de cette oasis, avec l?espoir d?enrichir sa collection de peintures, car, selon plusieurs sources, il avait toujours été attiré par la beauté du pays. Mais une fois sur place, il fut, contre son gré, spectateur de scènes accablantes et immorales. Alors qu?il était accompagné, durant son périple, d?une escorte commandée par un jeune lieutenant, l?artiste peintre fut stupéfait par la violence que les troupes du général Pélissier continuaient à infliger à la population locale. En entrant dans la cité après avoir traversé les remparts qui la protégeaient, le lieutenant, qui n?en était pas à sa première mission dans cette localité, fit visiter au peintre une partie de la ville ou du moins ce qu?il en restait. Près d?une demeure, Fromentin et son escorte se sont retrouvés en présence d?une scène imprévue. Le regard de l?artiste peintre s?immobilisa sur un militaire qui allait recharger son fusil, alors que sa baïonnette était tachée de sang jusqu?à la garde. Au même moment, deux soldats sortaient en courant de cette même maison tout en fourrant dans leur képi un mouchoir et des bijoux de femmes. Ce triste tableau incita Fromentin à entrer dans la modeste demeure où il découvrit deux corps de femmes gisant dans une mare de sang sur le pavé de la cour. Il fut troublé par ce crime abject ainsi que par le vol que les militaires venaient de commettre sur deux femmes sans défense avant de prendre la fuite. Lui, l?artiste, le peintre qui prétendait venir d?un pays civilisé, espérait, durant son voyage en Algérie, réaliser son rêve, mais il a vite déchanté. La violence imposée par ses compatriotes à la population locale le troubla et le dissuada de peindre, en revanche, elle l?incita à écrire sur ce qu?il venait de voir. Ses écrits n?ont pas trouvé, à cette époque, des échos attentionnés auprès d?une certaine frange de Français, en particulier certains intellectuels, dont le journaliste J. M. Jounka de L?Algérie nouvelle, qui, dans son article du 22 mai 1859, qualifia le contenu de deux livres de Fromentin de méprisant vis-à-vis de la colonie française car l?artiste peintre avait tenté de décrire l?amère réalité dans laquelle vivait la population algérienne. (à suivre...)