Image n Les premières cigognes commencent à construire leur nid au sommet des vieux arbres du jardin Rachid-Chaâboub, annonçant précocement le printemps et son rituel de sorties familiales vers cet endroit de prédilection des Miléviens. Cet espace vert dont l'ouverture au public remonte à la fin du XIXe siècle, en 1880, a fait partie, au début de la colonisation, du «noyau» de la ville de Mila qui comprenait, entre autres, des logements cossus, le siège de la commune de plein exercice, le «bureau arabe» (l'ancien tribunal) et la poste. Dès leur arrivée en 1837, les occupants français s'empressèrent d'isoler la vieille ville et sa population autochtone en érigeant une hideuse caserne qui a vite fait de défigurer le patrimoine architectural authentique de la cité et plusieurs de ses monuments historiques. Le jardin public de la ville et plusieurs autres espaces verdoyants tinrent, dans ce contexte, le rôle de «no man's land» entre la ville européenne et la médina. Aménagé à l'usage exclusif des militaires de la garnison, des colons et de leurs familles, le lieu regorgeait à l'époque, de variétés de fleurs, d'une avifaune exceptionnelle et même de gazelles, les dernières antilopes ayant malheureusement disparu au début des années 1980. Certaines espèces d'oiseaux et de plantes rescapées font encore le décor de ce jardin qui conserve également, dans l'un de ses coins, la statue de «l'enfant et le veau», une petite œuvre d'art constamment soumise, hélas, à des actes de vandalisme complètement gratuits. Les portes de ce jardin s'ouvrent encore chaque matin au public. Ce sont surtout les personnes âgées et les retraités de la ville – dont certains gardent en mémoire l'image originelle de cet espace indissociable de l'histoire de Mila – qui le fréquentent. Ce jardin, qui doit son nom au chahid Rachid Chaâboub, abrite aussi une stèle commémorative pour rappeler aux jeunes d'aujourd'hui et aux générations de demain que si ces lieux leur sont accessibles, c'est grâce au sacrifice de Rachid et de tous les autres martyrs de la Révolution. Un septuagénaire se souvient : Rachid Chaâboub est tombé au champ d'honneur au moment où il s'apprêtait à accomplir une mission audacieuse à l'intérieur du tribunal mitoyen au jardin. Il succomba à des tirs nourris de soldats français en faction avant que son corps criblé de balles ne soit exposé, accroché aux grilles du jardin pendant trois longues journées, dans le but de terroriser la population. Si de nombreux Miléviens, très attachés à leur ville, déplorent aujourd'hui, la relative dégradation de ce lieu, véritable poumon de la cité, il reste que grâce à la vigilance de certains inconditionnels, des tentatives visant à lui porter atteinte ont pu être déjouées. Au grand bonheur des centaines de personnes qui s'y rendent encore chaque jour.