Tentation Son hésitation ne dure qu?un moment et elle accepte l?invitation de Chafia. Samia remonte son drap jusqu?au menton, et tourne la tête vers son mari. ? Votre femme sera très bien ici, vous pouvez partir tranquille ! ? Fais bien attention aux enfants, Nabil ! Surtout Wafa, elle est si jeune encore. Des larmes remplissent ses grands yeux noirs, et pour la rassurer, Nabil répond doucement, en lui prenant la main : ? Surtout ne pense à rien pour récupérer plus vite et revenir à la maison. Nous t?attendons tous avec impatience ! Au revoir ! Je téléphonerai à mon arrivée? Quand, après deux semaines de convalescence, Samia obtient la permission de sortir, l?infirmière, qui est maintenant une véritable amie pour elle, rassurant son mari au téléphone, se dévouant pour lui rendre son séjour le moins pénible possible, va chercher son billet de sortie et lui dit : ? Samia, je tiens à ce que tu viennes d?abord chez moi, tu es mon invitée pour quelques jours, j?habite à Bordj El-Kiffan et je te ferai visiter Alger. Tu verras? Ne refuse pas, cela m?offenserait ! ? Mais? Et mon mari ? Je dois le prévenir ! ? Ça y est, je lui ai téléphoné et lui ai dit que tu en avais encore pour vingt jours d?hôpital? Je l?ai rassuré sur ton sort? Tu peux lui confirmer ça quand on sortira ! Samia, tout heureuse de quitter enfin sa chambre d?hôpital après son opération de l?estomac et de sa longue convalescence, ne refuse pas. «Je vais m?éclater un peu, avant de retrouver à Skikda le train-train quotidien.» Comme lisant dans ses pensées, l?infirmière lui dit : ? Tu as frôlé la mort, Samia ma s?ur, tu mérites bien de t?amuser un peu? Les hommes sont tous les mêmes? Si ton mari appelle, c?est parce qu?il en a assez de payer une femme de ménage pour s?occuper de la maison ! ? C?est vrai, reconnaît Samia en fronçant les sourcils. Là-bas, je trime du matin au soir, sans un jour de repos. Mais son ton n?est guère convaincant, elle est partagée entre l?envie de se «laisser aller» pour quelques jours, et son ardent désir de retrouver ses quatre enfants. ? Et si Nabil venait me voir par surprise ? Que vais-je lui dire ? Elle hésite encore. Et où va-t-il me trouver ? ? Je lui ai dit que je l?appellerai dès que tu obtiendras ton autorisation de sortie. Il me fait confiance. Et dès qu?on arrivera chez moi tu l?appelleras ! ? Bon, allons-y ! Samia noue son foulard sous son menton. Son visage est encore pâle, mais elle se sent en forme et cela la rend joyeuse, après ce qu?elle a souffert. Les deux femmes quittent l?hôpital et se rendent en taxi à Bordj El-Kiffan où Chafia habite un deux-pièces. Divorcée sans enfants, elle semble n?avoir personne dans la vie, elle ne parle jamais de sa famille. Et quand Samia risque une question, elle lui répond invariablement : «Aucune envie d?en parler.» Et elle change de conversation. «Elle a été terriblement blessée par la vie», songe Samia, qui se promet de ne plus lui rappeler des mauvais souvenirs... (à suivre...)