Réflexe n Il n'a même pas pris la peine de rentrer au café ayant déjà eu affaire à la chaîne cadenassée des WC. En face du café, des toilettes publiques offrent une alternative pour 10 DA. Moha Mansour a un diabète de type 2, qu'il n'a pas pris au sérieux. La semaine dernière, il s'est retrouvé avec un ptosis, un affaissement de la paupière, et des fourmillements insupportables dans les doigts au contact du chaud. Ces manifestations du diabète ne sont rien à côté de l'envie d'uriner. L'homme dispose d'une autonomie d'une heure et demie, pas plus. Passé ce délai, il doit absolument trouver une toilette, qu'elle soit publique ou privée, pour se soulager. Avant de quitter son domicile, il planifie soigneusement ses déplacements. Quand il est au centre-ville, l'affaire est encore jouable. Il a repéré une toilette publique au square Sofia, une deuxième au marché Rédha Houhou, une troisième au square Port-Saïd. Quand il évolue dans ce triangle, il est plus ou moins rassuré. S'il est dans un cyber, il n'oublie jamais de jeter un coup d'œil à sa montre. Un quart d'heure avant le signal donné par l'urètre, il se lève, paye sa connexion et prend le chemin des toilettes les plus proches. La dernière fois, il était à la terrasse du café de l'Indépendance, square Port-Saïd, en train de lire le journal. Quand il a senti qu'il avait envie de se soulager, il n'a même pas pris la peine de rentrer au café ayant déjà eu affaire à la chaîne cadenassée des WC. En face du café, des toilettes publiques offrent une alternative pour 10 DA. Des toilettes vraiment singulières puisqu'elles servent, en même temps, de consigne à bagages. Pour 35 DA par jour et par bagage, vous pouvez aller vous chercher tranquillement une place au hammam pour passer la nuit, sans craindre, à votre réveil, de vous trouver dépouillé de vos effets. Une deuxième singularité de ces toilettes publiques du square Port-Saïd réside dans la lecture qu'on peut faire d'une société qui n'ose pas encore affronter ses tabous : les murs sont griffonnés d'invitations explicites, genre J. H. recherche J. H. pour étreintes libres et sans contraintes. L'homosexualité s'affiche sans complexe dans ces endroits où les numéros de portable accompagnent la petite annonce murale, numéros qu'on ne peut reproduire ici pour des raisons, évidentes . Le graffiti le moins hard ? «Cherche actif sérieux.» Sans doute pour contrebalancer le dramatique passif en matière de tendresse, tous sexes confondus. Les messages s' adressent rarement au sexe opposé et quand cela arrive la condition sine qua non est que la belle soit callipyge.