Scène n C'est au Bois des Arcades (Riad el-Feth), que s'est ouvert, jeudi, Le théâtre du printemps, avec la représentation de Soliloque. Adaptée du texte de Jean Cocteau, Le Bel indifférent, mise en scène par Kamel Yaïche et jouée par Adila Bendimerad et Samir El-Hakim, la pièce raconte l'histoire d'une chanteuse à succès, étoile montante des cabarets algérois. Un soir, elle rentre chez elle. C'est alors que la femme publique laisse place à la femme privée ; et peu à peu, dans sa chambre, et dans sa solitude intérieure, se dévoile toute sa misère, la misère d'une femme esseulée et ignorée. Seule et inconsolable, elle attend son homme qui tarde à rentrer. Soudain, le bel indifférent fait son entrée…, mais il ne dit rien, alors que celle qui l'aime tente, par mille chemins du langage, de le faire parler, d'engager une discussion avec celui qui s'obstine à garder le silence, donc à l'ignorer. Soliloque est une histoire d'amour que une jeune femme malmenée et déchirée avec celui qu'elle aime et qu'elle tente, coûte que coûte, de garder et de faire, en conséquence, durer cette relation pathétique. C'est aussi une histoire d'intimité dans laquelle se fait sourdement entendre un cri de douleur lancé par une femme perdue et solitaire. Soliloque est également l'histoire d'un couple, entre une femme et un homme qui se déchirent. En somme, c'est une histoire sur le désespoir amoureux. La femme parle, mais l'homme ne dit rien… La pièce plaît parce que le jeu, dit dans un langage populaire «el derdja», se révèle, de par la manière dont il est composé et mené, vivant, continuellement renouvelé. Il est à souligner que Le Bel indifférent a été écrit par Jean Cocteau au début des années 1940 pour Edith Piaf – l'auteur s'est inspiré de la vie de cette dernière. La pièce – il s'agit pour la soirée de jeudi de la générale – a été jouée dans un théâtre bien particulier, un théâtre, disons, improvisé, particulièrement imaginé : c'était sous un chapiteau de 15 m de diamètre d'une capacité de 135 places. L'initiative est inédite en Algérie. Son objectif consiste à inscrire la représentation dans la durée. Autrement dit : faire tourner le spectacle pour une durée de deux mois, jusqu'au 12 juin. La pièce est programmée deux fois par semaine, les jeudi (19h 30) et vendredi (18h). Entre-temps, des spectacles y sont prévus : il s'agit de la pièce L'Escargot entêté qui sera jouée chaque lundi soir, et un spectacle pour enfant, et ce, tous les vendredis après-midi. Cette programmation nourrit le souci de donner au public un rendez-vous de manière régulière. Cette édition de «Le théâtre du printemps» est une expérience. C'est un concept inédit de l'action culturelle en Algérie. Si, à la fin du parcours, le bilan est concluant, l'édition sera renouvelée l'année prochaine. l Comment est né le théâtre du printemps ? L'initiatrice de ce projet est Adila Bendimered, comédienne et scénariste. Tout commence lorsqu'un soir, dans sa loge à la Comédie de Paris, elle a eu l'idée, comme une sorte de révélation, de monter le Bel Indifférent de Cocteau à Alger. Sans plus tarder, elle entre en contact avec Kamel Yaïche, auteur et metteur en scène, pour lui faire part de son projet. Sans plus tarder lui, aussi, se met à l'écriture, et une fois qu'il a fini, il présente à Adila Bendimered l'adaptation algérienne. La question qui se pose maintenant est de savoir où la jouer. Les porteurs du projet aspirent à un endroit qui dénote un concept d'action culturelle qui sort du commun. Présenter la pièce dans un théâtre ou dans une salle de spectacle n'emballe pas Adila Bendimered pour qui le théâtre doit être à la portée de tous. En outre, elle ne voulait pas de deux ou trois représentations. Elle souhaitait un spectacle qui s'inscrirait dans la durée. C'est alors que, en se promenant dans les Bois des Arcades (Riad El-Feth), elle tombe, comme par miracle, sur la rotonde. C'était décidé. Le lieu est choisi. Autour de la rotonde, le décor est implanté. Une kheïma est dressée pour faire tourner le spectacle. C'est ainsi que le théâtre du printemps est né. Un théâtre indépendant et ouvert à tous. Ce théâtre a aussi vu le jour notamment grâce à la complicité de Adila Bendimered et l'association culturelle Arc-en-Ciel qui, toutes deux, ont tout fait que le concept se concrétise.