Taux n Interrogé sur la proportion des «banlieusards» dans la population urbaine totale en Algérie, Mohamed Madani, sociologue enseignant à l'Université d'Oran, l'estime à environ 60 %. Sur les trois millions d'habitants de la capitale, près des deux tiers, se situeraient, donc, en zone périphérique. Le chercheur tient toutefois à faire préciser que ce taux englobe l'ensemble des populations implantées aux alentours des villes, faisant ainsi le distinguo entre la banlieue proprement dite et les ensembles d'habitations qui peuvent être parfois des bidonvilles. Ces derniers ont particulièrement proliféré ces dernières années aux abords des grandes villes, notamment Alger, où l'on parle de 40 000 habitations de zinc et de tôles érigées au fil des années. Ils seraient près d'un demi-million à l'échelle nationale. Même si leurs occupants sont moins nantis en matière de commodités et de services que ceux des douars les plus reculés du pays, il n'en demeure pas moins qu'ils sont comptabilisés comme faisant partie intégrante de la population urbaine. L'extension des villes vers la périphérie est dans l'ordre naturel des choses et est loin d'être un phénomène propre à l'Algérie qui a vu la création des premières banlieues durant la période coloniale déjà. A l'époque, explique M. Madani, les colons, habitant les centres des grandes agglomérations urbaines avaient tendance à s'installer dans les faubourgs avoisinants pour le calme et la quiétude qui y régnaient. C'était une sorte de campagne à un jet de pierre. Certains y ont installé leurs résidences secondaires. Le temps ayant fait son œuvre, les faubourgs, havres de paix et de quiétude, se sont transformés au fil des années en agglomérations plus animées que les centres-villes, abritant des dizaines de milliers d'âmes. La véritable métamorphose des banlieues a été entamée, en fait, au début des années 1970 lorsque les pouvoirs publics, devant l'étouffement des villes, ont jugé utile de créer d'autres espaces urbains. Des programmes planifiés pour des ensembles d'habitations ont été alors mis en branle et les premières nouvelles villes ont commencé à voir le jour comme Ali-Mendjeli à Constantine, Médina-Djedida à Oran et Sidi-Abdellah à Alger. Ce type d'urbanisation est encouragé, notamment depuis le début de la décennie en cours du fait qu'il contribue à atténuer la crise du logement dans les grands centres urbains où le foncier se fait rare et surtout, à résorber l'habitat précaire, c'est-à-dire les bidonvilles qui n'épargnent pratiquement aucune ville du pays. Les sociologues qui se penchent aujourd'hui sur la question, distinguent clairement les quartiers conçus par les services de l'urbanisme de différentes wilayas et ensembles «spontanés», fruit principalement de l'exode massif des populations rurales. Même si ce sont ceux-là qui constituent aujourd'hui un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics, il est aussi vrai que même les lotissements entrant dans le cadre des programmes précités se sont avérés inadaptés au rythme de développement du pays et au nombre d'habitants qu'ils recèlent. Les architectes qui les ont conçus, ont sans doute péché par un manque de vision à long terme. Ce qui, heureusement, ne constitue pas une règle générale puisque des modèles d'urbanisation en périphérie ont été parfaitement réussis, à l'image de la Médina de Guelma, qui a fini par détrôner la vieille ville pour devenir un centre urbain répondant à tous les standards de mobilité et d'accès aux services publics. L'intérêt de ces nouveaux centres urbains réside, cependant, pour les sociologues dans le fait qu'ils permettent la cohabitation de populations d'origines diverses, constituant un véritable pont permettant le passage de la «ruralité» à la «citadinité».