Il est des images, telle celle des deux avions s?encastrant dans les tours jumelles du World Trade Center, qui resteront à jamais gravées dans la mémoire collective de cette époque. Mais il est aussi des expressions que l?on n?oubliera jamais. A celle, faussement angélique, d?Oussama Ben Laden, est venu s?ajouter le regard presque attendrissant de Saddam. C?est barbu et l?air épuisé, mais en bonne santé, qu?est apparu, dimanche 14 décembre, Saddam Hussein, capturé par les forces américaines. Depuis plusieurs mois, l?arrestation du président déchu était devenue une nécessité pour l?administration Bush, exaspérée par le nombre croissant des soldats morts après la fin officielle des combats en Irak. Washington ne niait d?ailleurs pas voir, dans les attentats anti-coalition, la main invisible de Saddam Hussein. L?homme, malgré un passé pour le moins sanguinaire, continuait tout de même de représenter, pour une partie importante de la population irakienne et même dans l?opinion publique arabe, le symbole de la résistance face à l?occupation américaine. Certaines périodes sombres de son règne sont tout simplement refoulées par ceux qui voient en lui le nouveau Saladin. Ceci dit, après avoir été des années durant son allié, Saddam devient l?ennemi des USA en 1990, quand il ose s?attaquer au Koweït. Après les attaques du 11 septembre 2001, il devient l?obsession de l?exécutif américain, qui n?a pas réussi à rattraper le chef d?Al-Qaîda. Qu?importent les moyens diplomatiques, peu élégants, déployés pour étoffer l?argumentaire qui plaide en faveur d?une intervention en Irak. La fin justifie même quelques mensonges quant à la possession par l?Irak d?armes de destruction massives. L?objectif est la chute du régime de Saddam et les Américains l?ont accompli avec la ferveur observée. Dimanche fut à la fois un heureux et triste jour. Heureux, parce qu?après Ceausescu, après Milosevic, un nouveau dictateur va répondre de ses crimes devant un tribunal. Triste, parce qu?il a été interpellé par une puissance qui ne se soucie guère de la justice internationale et parce que cette arrestation fera, sans nulle doute, l?objet d?une instrumentalisation à des fins de politique intérieure aux Etats-Unis. On ne peut, d?ailleurs, que se montrer méfiant vis-à-vis de la déclaration du secrétaire américain à la Défense qui a annoncé que Saddam Hussein sera protégé par ces mêmes conventions de Genève pour lesquels les Etats-Unis ont toujours eu peu de respect. En outre un certain nombre d?interrogations persiste quant à la nature de la justice à appliquer. Aujourd?hui, la capture du déchu est la troisième grande victoire symbolique pour Washington, après celle de l?entrée des troupes à Kaboul et à Bagdad. Mais il est une quatrième et capitale victoire qui échappe toujours à la première puissance de la planète. La capture d?Oussama Ben Laden.