Il était une fois un renard qui avait un grelot à la queue. Pris d'un petit besoin, il réfléchit, s'interroge, et décide que pour son petit besoin il irait par un chemin qui durerait sept ans. Il accroche son grelot à un jeune pin en disant : — Eh pin ! Que ce grelot reste sur toi jusqu'à ce que je revienne ! Je le prendrai à mon retour. Pendant sept années il va, pendant sept années il s'en retourne... Quatorze années... Le pin est devenu un grand arbre. — Pin, rends-moi mon grelot ! — Non. — Pin, rends-moi mon grelot ! — Non. — Je vais dire à la hache qu'elle te coupe. Il va trouver la hache : — Amie hache ! Là-bas il y a un pin, coupe-le donc ! — Que m'importe le pin d'autrui ? Moi, ici, je suis bien tranquille. — Je vais dire au feu qu'il brûle ton manche. Il va trouver le feu : — Ami feu ! Là-bas il y a une hache, brûle donc son manche ! — Que m'importe la hache d'autrui ? Moi, ici, je suis bien tranquille. — Je vais dire à l'eau qu'elle t'éteigne. Il va trouver l'eau : — Amie eau ! Là-bas il y a un feu, éteins-le donc ! — Que m'importe le feu d'autrui ? Moi, ici je coule tout mon saoul. — Je vais dire au gros bœuf qu'il t'avale. Il va trouver le bœuf : — Ami bœuf ! Là-bas, il y a de l'eau, avale-la donc ! — Non, moi je n'ai pas soif. — Je vais dire au grand loup qu'il te mange. Il va trouver le grand loup : — Ami ! Là-bas il y a un bœuf, mange-le donc ! — Que m'importe le vieux bœuf d'autrui ! Moi, ici, je mange des agneaux bien tendres. — Je vais dire aux chiens du berger qu'ils te tuent. Il va trouver les chiens du berger : — Amis chiens ! Là-bas il y a un loup, tuez-le ! — Que nous importe le loup d'autrui ? Nous, ici, nous sommes couchés à l'ombre. — Je vais dire au berger qu'il vous batte. Il va trouver le berger : — Ami berger ! Là-bas il y a des chiens, bats-les donc ! — Que m'importent les chiens d'autrui ? Moi, ici, je suis bien tranquille. — Alors, je vais dire à la souris qu'elle mange tes sandales. Il va trouver la souris : — Amie souris ! Là-bas il y a un berger, mange donc ses sandales ! — Non ! Que m'importe le vieux cuir d'autrui ? Moi, ici, je nage dans le lait et le yoghourt. — Je vais dire au chat de la vieille qu'il te mange. Il va trouver le chat : — Ami chat ! Là-bas il y a une souris, mange-la donc ! — Que m'importe la souris d'autrui. Ici, je mange de bons petits plats et du pain frais. — Je vais dire à la vieille qu'elle te batte. Il va trouver la vieille : — Vieille mère ! Là-bas il y a un chat, bats-le donc ! — Où ça ? — Là, juste ici ! La vieille prend aussitôt une trique et, tout en disant : «Pourquoi ne manges-tu pas la souris ?» elle donne une volée au chat. Alors le chat se jette sur la souris, la souris sur les souliers du berger, le berger sur les chiens, les chiens sur le loup, le loup sur le bœuf, le bœuf sur l'eau, l'eau sur le feu, le feu sur la hache, la hache sur le pin, qu'elle abat en faisant «tac, tac» Quant au renard il reprit son grelot au pin, et continua son chemin...