Vengeance n En sollicitant un congé de quatre jours, il paye pour toutes les affaires qu'il a déterrées. Il sera suspendu de ses fonction après 25 ans de bons et loyaux services. C'est en 1984 que M. Amirat a rejoint la poste en qualité de contrôleur. Assidu et sérieux dans son travail, il sera promu, dix ans après, soit en 1994, au grade d'inspecteur. En 2001, il réussit à un concours interne et accède au grade d'inspecteur principal. Ce n'est, cependant, qu'en mars 2005 qu'il rejoindra la poste de Ben Aknoun en attendant qu'un poste d'inspecteur principal lui soit trouvé au niveau de l'inspection de la wilaya d'Alger. Il entamera donc son travail comme il l'a toujours fait ailleurs où il avait exercé. C'est-à-dire avec assiduité et, surtout, honnêteté. Mais il ne tardera pas à sentir que l'ambiance n'était pas aussi saine qu'elle n'y paraissait. «J'ai commencé à découvrir des irrégularités que je signalais souvent au receveur sans me douter que c'était lui qui menait la danse.» La première grosse affaire qu'il signalera est relative à Algérie Télécom, qui n'en finit décidément pas de faire parler d'elle. L'inspecteur principal affirme avoir constaté le retrait de sommes colossales par des entrepreneurs ayant effectué des travaux pour le compte de la société. Rien de plus normal pour un entrepreneur d'encaisser son argent après une prestation de services. Sauf que l'irrégularité réside dans le fait que le payement se faisait au moyen de chèques signés par les responsables d'Algérie Télécom alors que la réglementation de la poste stipule clairement que la valeur d'un chèque au porteur ne peut dépasser 5 000 DA. Inutile de préciser que s'agissant dans ce cas précis de règlement de factures de travaux importants, la valeur des chèques était de plusieurs centaines de millions de centimes (de 2 à 5 millions de dinars précisément). «Je ne pouvais passer cela sous silence. C'est une entorse flagrante à la réglementation. Je ne pouvais pas concevoir de multiplier par cent le montant autorisé et de faire comme si de rien n'était. C'est insensé», témoigne-t-il. L'attention du receveur de la poste est attirée. Sans résultat, affirme M. Amirat qui ne connaîtra pas plus de succès quand il signalera une autre affaire, plus abracadabrante. celle-là, un enfant de cinq ans auquel on ouvre un carnet d'épargne avec un versement initial d'un milliard 300 millions de centimes. Plusieurs retraits successifs de plusieurs milliards seront effectués à partir de ce compte en un laps de temps assez court. La couleuvre est trop grosse pour être avalée d'autant plus qu'il affirme que durant toute sa carrière il n'a jamais vu un premier versement d'une telle importance. Encore moins pour un enfant de cinq ans. En signalant cette énième irrégularité, M. Amirat ne savait pas qu'il était allé trop loin et qu'il était désormais attendu au virage. «En avril 2006, se rappelle-t-il avec amertume, je devais m'absenter pour régler une affaire familiale urgente. J'ai sollicité un congé de quatre jours sans prendre la peine de me faire signer un titre de congé. C'est un document qui ne m'a été délivré qu'une seule fois en 25 ans de présence à la poste. Chaque année, je prenais mon congé annuel sans aucun document écrit. Et puis je ne me doutais de rien pour prendre une telle précaution.» En rentrant, le 6 mai 2006, on lui signifie sa suspension «jusqu'à nouvel ordre». Il n'en revient pas. Ses réclamations et ses lettres de doléances, adressées même aux plus hautes autorités du pays, sont demeurées sans suite. Cela fait deux ans qu'il se bat quotidiennement pour faire vivre sa famille et se voir rétablir dans ses droits. Le 20 avril dernier, il a cru entrevoir une lueur d'espoir quand il a reçu une convocation du directeur des ressources humaines de l'entreprise. Mais il a vite déchanté quand il s'est présenté pour rencontrer le responsable. Ce dernier a, curieusement, évité de le recevoir. Il refera la tentative à plusieurs reprises, sans succès.