Constat n Les efforts fournis pour la lutte contre le tabagisme s'avèrent inefficaces face au rouleau compresseur des cigarettiers dont les enjeux économiques sont immenses. Le phénomène du tabagisme doit être traité dans sa globalité, en amont et en aval, afin de réduire ce fléau qui tue 15 000 personnes chaque année en Algérie et qui ne cesse de prendre des proportions alarmantes. C'est ce qu'a signalé, hier, le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Amar Tou, lors de la célébration de la Journée mondiale sans tabac au siège de son département. Le ministre a expliqué, en effet, que toutes les études réalisées jusque-là s'intéressent uniquement aux résultats liés au volet de la consommation, malheureusement l'aspect spécifique à la production et à l'industrie du tabac est complètement négligé. «C'est un dossier lourd en raison des énormes intérêts économiques, la taxe des produits du tabac est la deuxième après la taxe pétrolière», a-t-il précisé. Afin de pallier ce problème, Tou a signalé que son département a installé dernièrement un comité national de lutte contre le tabagisme. Ce comité composé de spécialistes et de professionnels de la santé a pour mission d'élaborer une stratégie afin de mener la lutte contre ce fléau. Tou a réitéré son engagement à mener à terme les textes réglementaires de la loi 2001, pour aller vers l'interdiction du tabac sur les places publiques, dans les maisons et dans les véhicules en présence des enfants. L'objectif est de réduire la prévalence du tabagisme qui est de 19%, selon l'étude Step, d'au moins 5% par an dans la population générale, et à moins de 10% chez les jeunes et assurer la protection des non-fumeurs. Le ministère a généralisé l'opération «hôpitaux sans tabac» depuis 2007. En termes de perspectives, il compte généraliser également les consultations de tabacologie dans tous les établissements de santé et la formation de tabacologues. La journée mondiale anti-tabac, chaque 31 mai, est célébrée cette année sous le slogan «Jeunes sans tabac» et se veut un appel mondial contre l'industrie lancé par l'OMS. L'OMS lance également un appel aux Etats membres et aux responsables politiques pour qu'ils interdisent, par voie législative, toute forme de publicité et de promotion des produits du tabac, ainsi que toute forme de parrainage d'activités par l'industrie du tabac. Le directeur régional de l'OMS pour l'Afrique, le Dr Luis G. Sambo, a souligné, de son côté, que le tabagisme est la principale cause de décès évitable dans le monde. A préciser que le tabac est le seul produit de consommation légalement en vente qui entraîne la mort d'un tiers à la moitié de ceux qui l'utilisent, et dont la vie est raccourcie de 15 ans. On compte 1,8 milliard de jeunes dans le monde, dont plus de 85% vivent dans les pays en développement et sont la cible de campagnes agressives en faveur du tabac. La plupart des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans, et près d'un quart d'entre eux ont commencé à consommer du tabac avant l'âge de 10 ans, a indiqué le Dr Luis G. Sambo. Pour sa part, le professeur R. Belkaïd au CHU de Beni Messous a souligné que si la tendance du tabagisme n'est pas inversée, 10 millions de morts par an seront enregistrés d'ici à 2030. Interdiction de la vente de cigarettes aux mineurs l L'inadéquation entre la réglementation et son application au sujet de la vente des produits du tabac aux enfants et adolescents aux abords des établissements scolaires a été le résultat d'une enquête réalisée en milieu scolaire. Le docteur Adjeb, sous-directeur de la santé scolaire au ministère de la Santé, a réalisé cette enquête en 2007 dans les wilayas de Sétif, de Constantine et d'Oran auprès d'élèves âgés de 13 à 15 ans (CEM). L'échantillon a touché 7 486 élèves. Il en ressort que la prévalence du tabagisme chez les jeunes garçons n'est pas à négliger, recommandant notamment «l'interdiction de la vente des produits du tabac aux enfants et adolescents ainsi que le développement de l'éducation sanitaire, l'information et la sensibilisation des élèves permettant de les défendre contre toute tentation de fumer». le rail s'y met l La campagne de lutte contre le tabac organisée hier dans le train express Alger-Oran a suscité la curiosité d'un grand nombre d'enfants, selon le constat du vice-président de l'association «El-Badr» de Blida d'aide aux malades atteints de cancer, initiatrice de cette action qui a touché les gares d'Alger, d'Oran et de Blida, en collaboration avec la Sntf. Beaucoup d'enfants, selon lui, ont demandé des dépliants et des affiches pour les montrer à leurs proches, notamment leurs pères, pour les inciter à arrêter de fumer. Tout au long du voyage Alger-Oran que nous avons effectué avec les organisateurs et encadreurs de l'association accompagnés par des médecins de renommée, à l'image des Drs Terkmane et Moussaoui, nous avons pu constater de près l'accueil chaleureux et encourageant de la part des usagers du rail express. Un grand fumeur qui se trouvait en 1re classe a pris sa cigarette et son briquet devant tout le monde pour les jeter : «J'arrête de fumer», a-t-il décidé. D'autres ont appelé à ce que cette lutte anti-tabac ne soit pas conjoncturelle. Ils ont lancé des appels pour que l'Etat trouve des solutions dans la lutte anti-tabac. Quelque part dans l'un des wagons, les jeunes non-fumeurs ont profité de la présence des médecins pour téléphoner à leurs proches, fumeurs, afin qu'ils soient sensibilisés par les médecins en personne. La journée a été qualifiée de réussite, selon le président de l'association qui nous a révélé : «Je me sentais en train de consulter des malades quand je parlais aux voyageurs qui ont coopéré et accepté nos conseils sans aucun problème.»