Il était une fois un pauvre sabotier qui vivait misérablement avec sa famille, dans une cabane, au milieu d'une grande forêt. Un jour, assis au pied d'un arbre, plein de tristesse, il pleurait à chaudes larmes en pensant à sa misère, quand il vit venir à lui un étranger dont les yeux brillaient comme le feu. ? Eh bien ! compère, dit l'étranger, qu'as-tu donc pour être dans un si grand tourment ? ? Hélas ! répondit l'homme, nous sommes sans ressources et nous allons bientôt mourir de faim. ? Si c'est là ce qui t'afflige, répartit l'étranger en éclatant d'un rire sonore et saccadé, sèche tes larmes, compère, et écoute attentivement ce que je te propose : donne-moi ton fils aîné, il sera mon compagnon de route et je le comblerai de richesses. Accepte ! Prends cette bourse d'or, et je t'enverrai des marchands qui te feront tant de commandes que tu ne sauras comment faire pour suffire au travail. Est-ce convenu ? ? Entendu. Mais je n'ai pas le courage de me séparer tout de suite de mon fils. Reviens le chercher dans huit jours. L'étranger consentit au délai, conclut le marché et donna au père une bourse pleine d'or. A partir de ce moment, le bien-être régna chez le sabotier ; des marchands lui firent tant de commandes qu'il ne sut comment suffire au travail, et pourtant il était de plus en plus triste. Toutes les fois qu'il voyait son fils aîné, c'étaient des larmes et des sanglots. ? Père, dit le fils aîné, quand tu me regardes, tu te mets à pleurer. Je t'ai donc fait de la peine ou causé quelque ennui ? ? Hélas ! mon enfant, je n'ai pas de raison de me réjouir. Il y a huit jours, comme j'étais assis au pied d'un arbre et que, plein de tristesse, je pleurais en pensant à notre misère, un étranger est venu vers moi, les yeux brillants comme le feu. Il me demanda pourquoi j'étais dans cet état ; je lui répondis que nous allions mourir de faim. Alors, me tendant une bourse pleine d'or, il me demanda si je voulais qu'il t'emmène pour être son compagnon de route, ajoutant qu'il te comblerait de richesses et qu'il m'enverrait tant d'acheteurs que je ne pourrais suffire aux commandes. J'ai accepté. Il a tenu sa promesse. Ah mon enfant ! Cet étranger peut-il être un autre que le diable ? C'est ce soir, hélas ! que je dois te livrer. Mon Dieu ! mon Dieu ! Faut-il donc me séparer de toi et te savoir perdu à jamais ? ? Père, consolez-vous ! Lorsque le diable viendra me chercher, il ne me trouvera pas. Voyez, je pars. Et l'enfant s'enfuit dans la forêt. (à suivre..)