Résumé de la 1re partie n La richissime et belle Béatrice Rothschild veut avoir une autre résidence à Monte-Carlo, sur un îlot qu'on surnomme «cap de mauvaise langue»... A l'époque, il est encore facile, pourvu qu'on en ait les moyens, d'acheter et d'emporter par fragments ou en totalité, des couvents, des sculptures. Personne ne s'en soucie. Béatrice a rapporté des colonnes de marbre venant de Vérone, le portail d'une abbaye catalane du XVIe siècle, et même des pierres sculptées provenant du célèbre Dôme de Milan – pierres jetées au sol par un tremblement de terre. Il y a aussi un puits de marbre orné de ferronneries rares, qui trôna autrefois dans un palais de Florence. Pas de doute, il faut organiser tout cela, assembler les éléments épars et créer un décor qui mette en valeur chacun de ses achats... Après l'acquisition des sept hectares, il faut préparer le terrain pour y construire la villa rêvée. «Il n'y a qu'à écrêter la colline.» C'est un travail herculéen. Une fois la chose faite Béatrice comprend qu'il est indispensable d'apporter de la terre végétale pour pouvoir y installer une autre de ses collections : celle de ses plantes rares et arbustes exotiques. Mais pas de culture possible sans irrigation. Elle donne des ordres, et l'on creuse un canal pour l'arrivée de l'eau. Lorsque la chose est en bonne voie, Béatrice cherche à préciser la forme générale de la villa qu'elle a en tête. Elle fait appel à un architecte, deux architectes, trois architectes... Chacun arrive avec des plans détaillés et des vues générales, colorés d'aquarelle, de la future villa entourée de son parc et des pins sauvages de la colline. Le problème, c'est que Béatrice ne parvient pas à visualiser ce que cela donnera en regardant des aquarelles et des dessins en perspective. «Il faut construire un bâti, sur lequel on tendra des toiles peintes où l'on verra les portes et fenêtres. Ainsi je pourrai me rendre compte de l'effet !» Tous les architectes ne sont pas prêts à se lancer dans de tels décors réels, mais certains acceptent. Béatrice est une cliente qui peut rapporter gros... Ce n'est qu'à la septième maquette en grandeur réelle qu'elle consent à sourire et donne son accord. Mais elle a payé tous ces essais successifs et, avant même la pose de la première pierre, a déjà déboursé 900 000 francs-or. Il faut bien faire marcher le commerce... On commence à construire. La villa est enfin achevée en 1912. On peut dire que tous les styles y sont représentés. Béatrice a-t-elle dans ses réserves une boiserie ancienne, elle fait construire la pièce qui la mettra en valeur ; voici un moucharabieh, derrière lequel de belles Arabes ont pu observer le spectacle de la rue sans être vues, aussitôt Béatrice fait construire un décor oriental : des paravents de Coromandel demandent un salon chinois... dont le plafond sera gothique ! Voici un salon de boiseries XVIIIe, pour abriter un mobilier orné d'authentiques tapisseries de Beauvais ; les colonnes qui arrivent de Vérone seront accompagnées de tout un ameublement Haute Epoque. C'est somptueux, parfaitement exécuté, mais ça part un peu dans tous les sens. (à suivre...)